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certains précédens et certaines routines, dont la Prusse, elle, s’était franchement dégagée ; après 1860, il inaugura, contre eux, certaines maximes et certaines méthodes, que la Prusse, à son tour, ne tardera pas à lui emprunter. Avant 1860, les bureaucrates de Carlsruhe ressemblaient à des tirailleurs d’arrière-garde, traînards du joséphisme vaincu ; après 1860, les législateurs de Carlsruhe apparaissent, à proprement parler, comme l’avant-garde du Culturkampf ; et dans ce raccourci d’histoire badoise qui va nous faire assister à un redoutable déchaînement des passions antireligieuses, nous saisirons, tour à tour, une prolongation tenace du passé, une ébauche prématurée de l’avenir.


I

Les cabinets de Carlsruhe, de Stuttgart, de Wiesbaden, de Darmstadt, avaient pris l’habitude, depuis 1820, de concerter entre eux leur politique religieuse ; d’un bout à l’autre de la province ecclésiastique du Haut-Rhin, les mêmes ordonnances étaient en vigueur ; suivant les territoires, on les appliquait d’une façon plus ou moins ponctuelle, plus ou moins obstinée ; certaines administrations fermaient les yeux, d’autres les ouvraient ; mais partout s’affichait un système de droit canon d’après lequel le souverain, volontiers qualifié d’évêque suprême de l’établissement protestant, revendiquait dans l’établissement catholique les mêmes attributions quasi épiscopales. L’année 1848, en proclamant l’autonomie des Églises, fit déchoir ces prétentions au rang d’anachronisme : l’Autriche et la Prusse, de bonne grâce, acceptèrent cette situation nouvelle, mais les États de Bade, de Wurtemberg, de Hesse, se montrèrent plus obstinés. Bien loin d’abdiquer la gérance de l’Église, ils la revendiquaient, d’un verbe très haut, et l’on avait lieu de craindre que la volonté de chaque évêque ne continuât de se briser individuellement contre la coalition des souverains.

Mais, à l’image des souverains, pourquoi les évêques à leur tour ne se fédéraient-ils point ? L’épiscopat allemand, réuni à Wurzbourg, à l’automne de 1848, s’était apitoyé sur eux, avait poussé vers Rome un cri d’alarme, et les avait assurés de son appui. Un tel souvenir les enhardissait ; et puisque les États s’entendaient pour maîtriser l’Église, ils pouvaient bien, eux