Page:Revue des Deux Mondes - 1908 - tome 43.djvu/367

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Je m’élance, et je vois ta maison, Juliette !
Si plaintive, si noire, ainsi qu’un froid charbon.
C’est là que la fraîche alouette
T’épouvantait de sa chanson !

Que tu fus consumée, ô nymphe des supplices !
Que ton jeune désir était fervent et beau
Lorsque tu t’écriais : « Nourrice,
Que l’on prépare mon tombeau !

« Qu’on prépare ma tombe et mon funèbre somme,
Que mon lit nuptial soit violet et noir,
Si je n’enlace le jeune homme
Qui brillait au verger ce soir !... »

— Auprès de ta fureur héroïque et plaintive,
Auprès de tes appels, de ton brûlant tourment,
La soif est une source vive,
La faim est un rassasiement !

Hélas ! tu le savais, qu’il n’est rien sur la terre
Que l’invincible amour, par les pleurs ennobli,
Le feu, la musique, la guerre,
N’en sont que le reflet pâli !

Ma sœur, ton sein charmant, ton visage d’aurore.
Où sont-ils, cette nuit où je porte ton cœur ?
La colombe du sycomore
Soupire à mourir de langueur...

Là-bas un lourd palais, couleur de pourpre ardente,
Ferme ses volets verts sous le ciel rose et gris ;
Je pense au soir d’automne où Dante
Ecrivit là le Paradis ;

La céleste douceur des tournantes collines
Emplissait son regard, à l’heure où las, pensifs.
Les anges d’Italie inclinent
Le ciel délicat sur les ifs.