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d’autres ports. » Ce ton de magister atténuait beaucoup la portée du consentement donné.

Il est très heureux que la France se soit abstenue d’occuper les ports autres que Casablanca ; ce n’est pas seulement, ni principalement, à cause des réserves et des remontrances faites par l’Allemagne ; mais c’est qu’une intervention aussi étendue eût singulièrement accru nos responsabilités. Si l’on peut désirer quelques modifications de certaines clauses relatives à l’institution de la police marocaine dans les ports, nous ne devons aucunement solliciter, nous devrions même refuser, si on nous l’offrait, un mandat général, soit isolé, soit partagé avec l’Espagne, de faire régner l’ordre et la sécurité au Maroc. Déjà, dans la presse, beaucoup trop d’écrivains, fervens pour l’élargissement de notre mission en cette contrée, affectent de répéter que la France et l’Espagne sont chargées de procurer aux Européens, à leurs personnes et à leurs biens, la sécurité dans l’Empire du Chérif ou tout au moins sur les côtes : il n’en est rien ; le mandat qui nous a été confié de concert avec l’Espagne est beaucoup plus précis et plus restreint. En voulant l’étendre, nous serions fatalement entraînés à la conquête ou à des reculades. Au temps où Raïssouli enleva M. Perdicaris, sujet américain, et un autre Européen, nombre de journaux aux Etats-Unis et en Angleterre nous sommaient, sous peine de perdre notre situation spéciale, d’aller délivrer ces captifs : on pourrait renouveler cette sommation en ce qui touche le caïd Mac Lean ou tout autre Européen qui, par imprudence ou, par malchance, aurait été molesté, enlevé ou tué par quelques-uns de ces bandits officiels, officieux ou indépendans, qui foisonnent au Maroc. Nous devons repousser énergiquement toute mission de cette nature et nous en tenir strictement à la fonction nettement circonscrite que la Conférence d’Algésiras nous a assignée.

Un des moyens d’obtenir que nos instructeurs tinssent un peu en main les soldats marocains qui leur seront subordonnés, ce serait que ces instructeurs fussent chargés du paiement des troupes ou, du moins, intervinssent dans ces paiemens. Les Marocains sont si peu habitués à avoir des soldes régulièrement servies que, s’ils s’apercevaient que cette régularité tient à l’intervention de l’instructeur européen, le prestige de celui-ci serait immédiatement rehaussé et son autorité se trouverait sensiblement accrue.