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maient un sentiment pareil et disaient qu’il fallait exiger des excuses du maire de San Francisco. Les intellectuels, les professeurs qui, à la veille de la guerre contre la Russie, avaient mené une ardente campagne belliqueuse, étaient de nouveau fort excités. On annonçait des conférences, des meetings de protestation.

Pour comble de disgrâce, d’autres complications surgirent presque aussitôt. À la fin de juin, on découvrit dans six grandes caisses faisant partie de la cargaison d’un vapeur qui venait de Yokohama, six jeunes Japonaises qu’on essayait d’introduire en fraude : ce n’était qu’un fait divers, mais la presse californienne en mena grand tapage. Aux îles Pribiloff, un cutter américain captura vingt-neuf Japonais contrebandiers, dans des conditions dont la légalité fut discutée. Puis ce fut le refus d’autorisation opposé par la municipalité de San Francisco à cinq bureaux de placement japonais qui demandaient simplement le renouvellement de leur licence. Ce refus fit à lui seul une impression plus forte que tous les incidens précédens. Le comité de police de San Francisco prétendait que, si le droit de tenir des bureaux de placement existe réellement, il est soumis aux lois et règlemens de l’État comme tout ce qui concerne la police et l’hygiène. Les Japonais répliquaient en demandant pourquoi, seuls de tous les étrangers, ils étaient exclus du bénéfice de ce droit. « Il s’agit, disaient-ils, d’empêcher les domestiques japonais de se placer en supprimant les bureaux de placement de leur nationalité. C’est donc une fois de plus une mesure d’exception dirigée contre le Japon et contre ses nationaux au mépris du traité de 1894. » C’était une sorte de récidive aggravée de l’affaire des écoles. Et l’émotion était plus vive encore.

Peu de jours après, les Chambres de commerce japonaises adressaient aux principales Chambres de commerce américaines une circulaire dans laquelle elles les priaient de s’employer de tout leur pouvoir à faire disparaître les motifs de discorde qui pesaient sur les bons rapports des deux pays : et en Amérique on n’hésitait pas à voir, un peu témérairement peut-être, dans cette démarche une menace déguisée de boycottage. Par action et par réaction, les griefs s’accumulaient. Les représailles commerciales prêchées par certains journaux japonais étaient interprétées à San Francisco comme une provocation. On répandait en même temps la nouvelle que 4000 Japonais, fixés au Mexique,