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niens. Dès le 15 février des journaux américains avaient annoncé que le cabinet de Tokyo acceptait la transaction. Mais deux jours après, on avait donné une note contraire. Sans doute l’amendement Roosevelt n’était pas directement opposé aux désirs du gouvernement japonais, puisque, depuis plusieurs années déjà, celui-ci refusait à ses coolies des passeports pour le territoire continental des États-Unis et ne leur en accordait que pour les Hawaï, les Philippines, la zone américaine du canal de Panama, d’où ils pouvaient ensuite, il est vrai, entrer librement aux États-Unis. Le pouvoir conféré au Président de refuser l’accès du territoire continental de l’Union aux personnes qui emploieraient, pour y entrer, des passeports non destinés à ce territoire n’avait par conséquent d’autre effet que de faire respecter à la lettre, étroitement et rigoureusement, le texte même des passeports délivrés par le Japon. C’était, en somme, théoriquement du moins, une mesure intérieure de police américaine, l’exercice strict par les États-Unis d’un droit que le Japon leur reconnaissait implicitement lorsqu’il libellait les passeports des coolies « pour les Hawaï » ou « pour les Philippines. » Enfin cette solution aurait pour conséquence de pousser vers la Corée de nouveaux émigrans. Et cela encore était conforme aux vœux du cabinet de Tokyo.

Il n’en restait pas moins que, pratiquement, au regard de l’opinion, l’entrée des Japonais aux États-Unis allait se trouver désormais plus difficile qu’auparavant. Certes, comme le télégraphiait le correspondant du Times à Tokyo, le gouvernement japonais n’avait pas eu à souscrire à une restriction de l’immigration japonaise aux États-Unis. Mais cette restriction, bien que se produisant en dehors de lui par le jeu rectifié d’une règle antérieure, n’en était pas moins certaine. Et l’impression, à ce titre, était pénible. L’ambassade du Japon à Washington, si prodigue jusqu’alors de communiqués rassurans, gardait un complet silence. Enfin les Japonais des Hawaï protestaient avec violence contre une réglementation qui, disaient-ils, faisait d’eux à perpétuité les esclaves des capitalistes hawaïens. Depuis plusieurs années, les coolies japonais ne faisaient que traverser les îles. San Francisco était le but réel de leur voyage. On les privait donc de leur débouché le plus fructueux en les condamnant à rester à tout jamais employés dans les plantations. Néanmoins, le 22 février, on annonçait à Washington que le départe-