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plus honorables, le président Roosevelt et le gouvernement de l’Union ne favorisaient pas les bruits alarmistes pour avoir vis-à-vis de la Californie, sinon vis-à-vis du Japon, une plus large liberté d’action, et une autorité plus grande, pour préparer aussi le mouvement tournant d’où devait sortir la solution. Notez en effet ce singulier contraste : presque en même temps, le sénateur Cullorn, président de la Commission des Affaires extérieures du Sénat, qualifiait d’absurde l’inquiétude générale, et le président Roosevelt, d’après le World, il est vrai, disait n’être pas certain qu’une rupture pourrait être évitée avec le Japon, si les autorités californiennes ne modifiaient pas leur attitude à l’égard des Japonais. Du côté japonais, on ne cessait pas d’être parfaitement calme, comme si d’avance on eût prévu l’issue de la tempête. La presse répétait qu’elle avait confiance en M. Roosevelt. Le baron Kaneko, envoyé en Amérique pour une enquête économique, parlait avec quelque dédain des « incidens locaux » de San Francisco. Tout à coup, — nous sommes le 1er février, — un bruit, d’abord discret, puis plus net, circule : les bases de l’entente seraient trouvées ou à la veille de l’être. Les Californiens céderaient sur la question des écoles, mais, en revanche, ils obtiendraient une satisfaction économique sous la forme de mesures restrictives de l'immigration des coolies japonais. C’était enfin poser franchement le problème, s’assurer par conséquent des chances de le résoudre. Le président Roosevelt et M. Root, dès ce moment, ne cachent pas qu’ils n’ont aucune confiance dans la solution judiciaire : c’est donc qu’ils comptent sur une autre. Leurs entretiens avec le maire de San Francisco et les délégués californiens se multiplient. Enfin, le 12 février les nouvelles se précisent. M. Root, au nom du Président, a proposé au speaker de la Chambre des représentans et aux présidens des comités d’immigration de la Chambre et du Sénat l’insertion dans le bill d’immigration à l’étude devant le Congrès d’une clause restrictive contre la main-d’œuvre des coolies japonais aux États-Unis. Dès le lendemain, M. Schmitz, maire de San Francisco, avec une crâne franchise, déclare dans une interview, que, s’il on est ainsi, peu importe l’affaire des écoles : ce qu’on veut, c’est la fermeture de la Californie au travail japonais. M. Roosevelt voit, dès lors, nettement le but : pour l’atteindre, il faut triompher de deux obstacles possibles, l’obstacle californien, l’obstacle japonais.