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quelques-uns, en leur faisant subir certaines retouches ; elle en a écarté d’autres ; elle aurait pu sans inconvéniens se montrer encore plus sévère pour eux. En effet, tous ces impôts sont mauvais, bien qu’ils le soient dans des proportions inégales, et rien ne les justifie dans un moment de prospérité fiscale comme celui où nous sommes. Le budget de 1907 n’était pas plus en équilibre, lorsqu’il a été voté, que ne le sera celui de 1908 à son point de départ ; mais il y a été remis par l’accroissement des recettes, qui s’est élevé à 150 millions au-dessus des prévisions initiales. Comme l’a dit M. Ribot à la Chambre, c’est le pays seul qui, par son travail toujours plus productif, a corrigé les défauts de notre budget. Le gouvernement et les Chambres peuvent s’en féliciter, ils n’ont aucun droit d’en tirer vanité : la manne est tombée du ciel, ou plutôt s’est levée de la terre sans aucune participation de leur part. Mais comment se fait-il qu’en pleine paix, en dehors de toute perturbation politique ou sociale, au milieu d’une richesse grandissante, on se trouve acculé à la nécessité d’établir des impôts nouveaux ?

Ces impôts, tels qu’ils ont été votés par la Chambre, sont au nombre de trois. Le premier double d’un seul coup la taxe sur les opérations de Bourse. Les deux autres sont pires. L’un frappe « les bénéfices qui, par suite de dispositions statutaires, sont distribués à toutes personnes participant à l’administration, à la direction ou à la gestion des sociétés, compagnies et entreprises » visées dans la loi du 29 juin 1872 ; l’autre frappe « les intérêts des sommes déposées dans les sociétés, compagnies ou entreprises quelconques, industrielles ou civiles. » Ce dernier a paru absolument inadmissible : il atteint tous les dépôts faits dans toutes les sociétés de crédit, même lorsqu’ils n’ont d’autre objet que de procurer au déposant des facilités de conservation ou de paiement en dehors de toute opération commerciale. La Commission des finances du Sénat l’a rejeté purement et simplement. Elle s’est montrée plus clémente pour le premier. Pourquoi ? La raison qu’en a donnée le rapporteur, M. Poincaré, est que M. le ministre des Finances l’a défendu avec une extrême insistance ; mais cette raison est-elle suffisante ? La Commission a composé avec le ministre ; elle a craint de lui infliger un échec trop sensible ; elle n’a pas voulu le battre sur tous les terrains. Elle a d’ailleurs laissé entendre que l’impôt soulevait beaucoup de critiques. Il en est une qui se présente, en effet, à tous les esprits. La loi du 29 juin 1872, à laquelle l’impôt a la prétention de se rattacher comme une conséquence à son principe,