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de cet œuvre une telle intention partout présente, M. Pirro lui-même n’a pas eu d’autre intention. Dans la connaissance que nous avons du génie du maître, il ne s’est proposé que d’étendre et de fortifier en quelque sorte la notion de sensibilité, d’expression et de pathétique et, comme Bach éclatait aux esprits, avec la même force, avec la même lumière, de le faire éclater aux âmes.


I

Le premier élément dont l’ingénieux critique analyse la valeur expressive, c’est la direction des motifs. On sait que, par la transposition d’un ordre d’idées ou de sensations dans un autre, nous prêtons à la forme sonore certains caractères de la forme visible. Ainsi nous disons d’une ligne musicale, comme d’une ligne graphique, qu’elle monte ou qu’elle descend. Dans cette apparence, ou cette illusion, la musique a toujours trouvé le principe d’analogies naturelles et qui s’imposent. Dès le XVIe siècle, peut-être même auparavant, c’était une habitude, une règle pour les compositeurs, d’associer les idées d’élévation ou d’abaissement ainsi que les mots qui les expriment, par exemple l’Ascendit et le Descendit du Credo, à des successions de notes allant dans un sens ou dans l’autre. Bach est demeuré fidèle à ce système d’allusions élémentaires. Des exemples sans nombre en feraient foi. La cantate Ans der Tiefe : De Profundis, commence par un véritable écroulement de la voix. Ailleurs, sur cette phrase : Le Seigneur est placé dans Israël pour la chute et pour la résurrection, le thème s’abîme d’abord dans les profondeurs, pour se relever aussitôt. De même les verbes allemands composés avec la préposition auf, ne manquent jamais de suggérer au compositeur des mélodies ascendantes. Bach va plus loin encore. Passant, comme diraient les mystiques, ab exterioribus ad interiora, il étend, il élève le principe des analogies de l’ordre concret au domaine de l’abstraction, de la représentation des objets à celle des idées ou des sentimens. C’est ainsi qu’il use toujours de mouvemens identiques pour figurer l’élévation ou l’abaissement des choses et celle ou celui de l’âme et de l’esprit.

Pratiquée avant Bach, la direction imitative et comme symbolique des thèmes devait l’être encore après lui. Nous en rencontrons chez Wagner, et dès le prélude de Lohengrin, une intéressante