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quette de cour ne fut, pour la rigidité, comparable à la coréenne, qui régente une noblesse en possession de privilèges inouïs. Trop nombreux pour être tous pourvus d’emplois, trop orgueilleux pour s’abaisser à travailler de leurs mains, les nobles, devenus pauvres, conservent jalousement leurs traditions, s’acharnent à tirer parti de leurs prérogatives, maintiennent l’étiquette.

Le Kyeng-Pok ne porta pas bonheur au souverain. Les dures épreuves s’étant rapidement succédé, une fois de plus on se décida à gagner Chuang-Duck. C’est au cours de ce second séjour qu’éclata la Révolution de 1884. La population soulevée fit irruption au seuil des appartemens impériaux et la clameur des gens affolés de misère résonna sous les voûtes, jusqu’au monarque. L’Empereur dut, à dos d’esclave, chercher une retraite dans la vieille forteresse qui couronne la cime du Puk-Han. Jamais plus il n’a voulu revoir les pagodes à toit de parasol et leurs jardins désormais ouverts à la ruine, à l’oubli. L’Impératrice, dont l’autorité fut indiscutée, y voulut retourner cependant. Par une nuit d’octobre de 1895, les soldats japonais franchirent les enclos, prirent d’assaut le petit pavillon d’été qu’avoisinait un étang fleuri de lotus et massacrèrent la souveraine. L’auguste cadavre fut mutilé, traîné jusqu’au bois voisin et réduit, sur un haut bûcher, en cendres impalpables.


IX. — LES DRAMES DU PALAIS IMPÉRIAL


Ainsi fut écrite une des pages les plus tristes de l’histoire contemporaine. Les assassins ne purent jamais être découverts. Le forfait commis, ils partirent comme ils étaient venus, nullement inquiétés. Quelques casquettes, quelques lambeaux d’uniformes maculés marquèrent seuls leur passage.

L’Empereur, pris de peur, se réfugia à la légation de Russie. Il y est resté deux ans, le temps nécessaire pour construire le nouveau palais au sein du quartier étranger, au milieu des bâtimens qu’habitent les ministres européens. Les événemens dont le souvenir domine l’édifice justifient son apparence de mausolée. C’est là que les événemens des derniers jours venaient atteindre le monarque. Sur ces portails sont venus battre les flots de la foule révoltée. Les troupes japonaises ont couvert ces perrons. Après quarante-trois années de revers continus, dans cette salle, la couronne est enfin tombée du chef impérial. Parvenus,