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— que je ne m’y retrouve plus. Du petit hameau de pêcheurs visité jadis dont la baie ne connaissait que le papillonnement des voiliers, s’est développé un port dont les steamers emplissent la moderne rade. Devant moi surgit une gare où, d’ici quelques semaines, des billets pour Paris et pour Londres seront directement distribués. En 1903, dans la Revue académique de Hongrie, je prédisais à Fusan, tête des voies de communication de l’Asie, ce qui se réalise aujourd’hui. Mais pouvais-je croire à une aussi rapide confirmation ? Quiconque a visité cette baie, — la plus proche du Japon, — où s’entremêlent les promontoires et les îles, ne pouvait cependant douter de l’avenir. Ici se forme un emporium de la taille de Shanghaï et de Yokohama, où les marchandises canadiennes et américaines chercheront bientôt l’accès de l’Asie orientale, sans s’égarer vers Vladiwostock ou Dalny.

Errant par les rues de la ville et me croyant, à chaque carrefour, un nouveau venu, j’accuserais presque mon navire de s’être trompé et d’avoir pris le Japon pour la Corée. Autour de moi, se démène une foule de petits hommes. Ici et là, le Japonais frappe les yeux : négociant, employé, ouvrier. Les accoutremens légers des coolies de Nagasaki s’opposent aux kimonos soyeux des commerçans. Même par cette chaleur asiatique, certains visages jaunes apparaissent coiffés du chapeau haut de forme dont une redingote de drap noir relève encore la dignité. Les uniformes abondent : les boutons de cuivre et les galons d’or sont ici bien portés. Le dernier portefaix de gare aspire à la casquette qui lui donnera une mine de fonctionnaire.

On a beaucoup construit depuis mon passage : plus une chaumière de bambou, plus une hutte recouverte de paille de riz n’est visible. La maisonnette japonaise en bois, ouverte aux quatre vents, règne sans conteste, abritant la plupart du temps un magasin, une maison de thé, une auberge. On a partout quelque chose à vendre : il faut faire des affaires à tout prix. Les gens paraissent infatigables. Des premières heures du matin à la nuit, marchands, artisans sont à leur besogne. D’ici peu, le Japon entend chasser l’Amérique et l’Europe de ces marchés orientaux. Sans parler des exploitations minières, des chemins de fer, des compagnies de navigation, le marché coréen, et la presque totalité du marché mandchourien se sont ouverts avec des avantages exceptionnels aux manufacturiers nippons.

La richesse des mines coréennes a été très anciennement