Page:Revue des Deux Mondes - 1908 - tome 43.djvu/179

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Mais on n’exigeait pas seulement des peintres la tâche artistique. Suivant les conventions, ils avaient l’obligation du transport et de l’installation de leur œuvre. On constate que quelques-uns louent des voitures à bœufs pour conduire un retable à destination. Si ce sont des verrières qu’ils fournissent, ils font établir les échafaudages nécessaires et scellent eux-mêmes leur fragile besogne. On ne les paie définitivement que le travail une fois accompli. Le plus souvent, les paiemens s’échelonnent. On leur verse un acompte à la prise du travail, pour leur permettre de se fournir des matières utiles. Quand l’ouvrage était à demi fait, un second acompte ; et le solde, après terminaison et installation définitive. Si bien qu’il y a lieu de soustraire de la somme payée ces frais d’établissement montant à environ 10 pour 400 des honoraires. S’ils se déplacent, ils stipulent ordinairement que leur nourriture et celle de leur valet leur sera assurée, et que le valet touchera un pourboire. Ce pourboire était d’ailleurs commun au Midi et au Nord. Quand le grand Simon Mannion a terminé la peinture d’un gonfanon, sur drap de damas, en 1471, lui-même vient livrer son travail : on lui donne 130 livres et on y ajoute 7 livres 6 sous pour ses dépens et le pourboire de ses aides. Lorsqu’il est chargé de repeindre une statue de la Vierge à Valenciennes, en 1464, ses valets reçoivent 5 sous « pour leur vin. »

Le valet des peintres est, tantôt un ouvrier payé à la journée ou à l’année, qui se loue, faute de pouvoir s’établir lui-même, et qui prépare son chef-d’œuvre afin de recevoir la maîtrise ; tantôt un apprenti, de douze à vingt ans, qui prépare les couleurs, et fait les courses et, généralement, les menus ouvrages de l’atelier. L’ouvrier, au contraire, aide le patron ; ou lui confie certains travaux accessoires dans un tableau, les fonds ou les terrains. Pierre Villate aida de cette manière Enguerrand Charfon pour le tableau qui se trouve au Musée Condé. Il gaufra vraisemblablement le fond d’or au moyen de poinçons chauffes, comme font encore les relieurs. Une bordure gaufrée de cette sorte se voit sur la Pieta de Villeneuve-les-Avignon. Il se pourrait, — mais nous n’oserions l’assurer, — que Villate y eût mis la main.

Le contrat d’apprentissage se dressait devant notaire ; il était élastique. Certains apprentis payaient une petite somme, d’autres recevaient un léger salaire. Un jeune Franc-Comtois de Jussey