des écoles du Nord, tombent devant les constatations d’archives recueillies dans le Midi.
Par leurs apprentis, par les élèves qu’ils formaient, les premiers artistes de l’Église d’Avignon nous révèlent une des colonies les plus homogènes et les plus originales du siècle. Elle a produit l’un des plus grands chefs-d’œuvre de tous les temps et de tous les pays : la Pieta du Musée de Villeneuve, dont aucun tableau flamand n’approche, même de très loin. Et c’est en suivant ces artistes à travers leurs actes de commande, en fouillant leur vie et leurs moindres manifestations, que nous saisissons leur étroite cohésion. Un atelier constitué ne tombait jamais à la mort du maître ; un nouvel occupant se substituait au défunt et continuait la besogne. Thomas Grabusset, venu de Besançon, louait à la veuve d’Aubry Dombet, vers 1463, la boutique de son mari, « ses tentures, ses mannequins et ses armes de parade, » non qu’Aubry Dombet ou Grabusset rêvassent la gloire militaire, mais ces armes servaient à la représentation des saints Michels terrassant le démon, ou à la figure d’un patron guerrier, tel le saint Maurice aperçu dans le Buisson ardent de Nicolas Froment en arrière du bon roi René. Froment lui-même avait passé quelques années à Avignon, près des Dombet, de Charton, de Grabusset et de Villate ; il s’y était formé dans cette manière un peu rude qu’on a si longtemps réputée allemande ou flamande, avant qu’une pièce d’archives nous eût montré qu’il était d’Uzès. Froment a habité Avignon rue du Puits-aux-Bœufs. C’était un homme rangé, un bon locataire, du moins le rapport d’Agnelet le tourneur, son hôte, le présente comme tel, et nous pouvons l’en croire !
Comme partout où des peintres se groupent, la ville d’Avignon a sa confrérie de saint Luc, dirigée par un bayle. Vers la fin du siècle, Jean Changenet est bayle. Il vient de Bourg-en-Bresse, et sa situation à Avignon est rivale de celle du Peintre des Bourbons à Moulins. En neuf ans, de 1485 à 1494, Changenet exécute six ou huit retables, dont le moindre lui rapporte 20 ducats, et le plus considérable 300 florins. En ces neuf années, nous le voyons recevoir de divers lieux plus de 1 000 florins, c’est-à-dire à peu près 1 000 livres parisis, qui feraient 25 000 francs de valeur réelle et, au bas mot, 60 à 70 000 francs de puissance comparative. Aussi Jean Changenet a-t-il une maison, qu’il agrandit, en 1492, d’une autre qui y était