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auparavant, c’est-à-dire comme une affaire commerciale, par- devant notaire[1], Dombet, qui est verrier, décorateur, peintre, est le contemporain immédiat de Jean van Eyck ; il n’a donc point eu le temps de suivre les enseignemens brugeois, si tant est que les Brugeois eussent des écoles de peinture. Il forme deux élèves, ses deux fils, Aubry et Jacques, mariés l’un à Urbanie Fabri, l’autre à Hélène de Souzay, fille d’un courrier du Pape. Il donne à chacun d’eux cent florins de dot, et cent florins, c’est au moins 3 000 francs d’aujourd’hui. Avec 10 florins, on a une maison à bail ; cent florins sont le prix ordinaire d’une peinture de grandes dimensions, à laquelle un artiste travaille un an plein. A la mort du père, les deux frères et leur sœur se partagent deux maisons, une vigne et divers autres biens. Chacun d’eux, à tour de rôle, hébergera et nourrira la mère qui leur reste, pendant un an. Quant à leur sœur, elle a épousé un ouvrier de son père, un Hollandais d’Utrecht, Arnoul de Catz, le seul Flamand rencontré là-bas pendant tout le XVe siècle.

On avait pensé que la venue de ce compatriote des van Eyck avait pu avoir une influence sur l’esthétique générale des Avignonnais. Il n’était pas invraisemblable qu’il fût venu, de très loin, apporter des recettes ou des secrets. Mais, par malheur pour cette thèse, Arnoul de Catz, — s’il s’associe à son beau-père, — n’a aucune renommée dans la région, quand ses deux beaux-frères, élèves de leur père, sont au contraire des hommes en belle situation. Arnoul de Catz n’a laissé qu’un souvenir de brutalité, pour avoir maltraité un débiteur de son beau-père et avoir été condamné à payer les drogues nécessaires à le guérir.

Historiquement, les fils Dombet sont contemporains de Jean Fouquet chez nous, de Roger de La Pasture dans les Flandres, de Jacques Daret ou Simon Mannion à Amiens. Leur infériorité vient de ce que nous n’avons pu encore assigner une œuvre à leur atelier ; mais étaient-ils en réalité tellement au-dessous de leurs illustres contemporains ? Voici par exemple un autre artiste, lui aussi venu à Avignon dès l’année 1447, Enguerrand Charton. C’est un Picard du diocèse de Laon, qui, sans le désarroi des temps, se fût peut-être établi à Paris, et qui a sûrement reçu le même enseignement que Jean Fouquet.

  1. Les Parisiens faisaient des conventions écrites chyrographaires, c’est-à-dire avec talon ; on coupait l’acte en deux parties : l’une restait au peintre, l’autre allait au client. On enregistrait à la Prévôté.