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de ceux qui ont encore des titres de princes, des palais semi-féodaux et des millions de revenus, il n’en est pas un qui recueille autant de respect volontaire, exerce plus d’influence et tienne une plus grande place dans le monde chrétien, que ce cardinal qui se promène dans les rues de Baltimore en redingote, et dont la calotte rouge, dépassant par derrière sous le chapeau haut de forme, est le seul insigne distinctif.

Il arrive fatalement que l’Église catholique exerce, dans ce pays recouvert d’un protestantisme criblé de fissures, exfolié, dispersé et ouvert de toutes parts, l’attraction d’une société compacte, précise, immuable, uniforme et disciplinée. Mais, de son côté, le milieu ambiant exerce une influence positive sur le clergé américain. Il crée, du haut en bas de la hiérarchie sacerdotale, un nouveau type très en dehors du moule conventionnel et, par là même, mieux adapté aux temps nouveaux.

Et rien ne prouve que ce clergé américain n’exercera pas à son tour une action sur le catholicisme universel, sur la bureaucratie un peu figée des cadres italiens du Saint-Siège, sur des attitudes contingentes et transitoires, bien que vieilles de plusieurs siècles. L’air du (large apporté par ces prélats transatlantiques renouvelle l’atmosphère historique du Souverain Pontificat ; il fait rêver d’un pape, non point immobile au Vatican, mais arpentant le monde, comme un apôtre, et le révolutionnant à nouveau d’un souffle inspiré.


Vte G. D’AVENEL.