Page:Revue des Deux Mondes - 1908 - tome 43.djvu/153

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

le dis pas, » confie l’un d’eux à un coreligionnaire qu’il a rencontré et avec qui il se sent aussitôt en confiance. Par une conséquence naturelle le lien, entre adeptes de la même foi, s’en trouve resserré ; ils forment une confrérie, non point occulte mais discrète, et qui se traduit, entre inconnus de la veille qui ne se reverront jamais, par le don subit d’une mutuelle sympathie.

C’est un sentiment analogue à celui que nos « antisémites » ont dû créer parmi les Israélites : l’idée de s’unir entre soi par le point même qui vous rend suspect aux autres. En France où, sur 39 millions d’habitans, il se trouve 60 000 Juifs, l’antisémitisme ne peut être que fort artificiel et pure matière à conversations et à pamphlets. A New-York où, sur 4 millions de citoyens, l’on compte, d’après les estimations les plus modérées, 600 000 Juifs ; à Chicago, où les rapports sont les mêmes, — 300 000 Juifs sur une population de 2 millions, — et dans nombre d’autres villes de l’Amérique où les Juifs représentent une semblable proportion du total, la « question juive » mériterait une sérieuse attention.

Mais il n’y a pas là-bas de « question juive. » Il est à remarquer que l’élément juif n’est dangereux ou nuisible que dans les pays pauvres ou paresseux. C’est un microbe qui ne convient pas aux organismes débiles ou fatigués, mais dont s’accommodent les organismes puissans et virils. Son intelligence laborieuse, son instinct commercial, au service d’une indéniable âpreté au gain, fait craquer le moule social chez des peuples faibles qui le regardent comme un fléau. Chez les peuples au contraire, dont la majorité est douée d’aptitudes égales ou même supérieures à celles du Juif, il se mesure avec des rivaux de sa force et son arrivée n’apporte à ces milieux prospères qu’un supplément de vitalité. C’est le cas en Amérique et en Angleterre, tandis qu’en Russie, en Pologne, en Hongrie, dans tout l’Orient, il est funeste et détesté.

Depuis quelques années, ces émigrans israélites, pareils au Juif errant de la légende, se transportent avec quelques sous du fond de l’Europe orientale dans le Nouveau-Monde d’Occident, jetés par la persécution de leurs princes ou de leurs compatriotes sur ce sol ouvert à tous les proscrits. Ils y rencontrent nos religieuses et nos moines français, nos petites sœurs des pauvres et nos frères des écoles chrétiennes, chassés aussi de notre République,