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qui peuplaient les États-Unis de 1830 ne constitueront plus qu’une minorité infime dans le sein de la république géante. Ils finiront par n’y pas tenir beaucoup plus de place que ces tribus autochtones, par-eux pourchassées si opiniâtrement et qui achèvent de s’éteindre dans leurs Réserves de l’Ouest. Celles-ci ont été tuées par la misère ; ceux-là sont menacés de périr par l’aisance.

Je ne prétends pas justifier mon pays, qui est l’un des moins prolifiques de l’Europe ; mais il n’y a aucune assimilation à établir, à ce point de vue, entre la France et l’Amérique, vide encore, qui ouvre à la population des perspectives indéfinies. Si les États-Unis étaient garnis d’hommes autant que la France, ils auraient plus de 700 millions d’habitans ; s’ils l’étaient autant que l’Etat de Massachusetts, ils auraient un milliard 200 millions d’habitans, et ils en auraient plus que n’en compte présentement le genre humain, s’ils étaient aussi peuplés que la Belgique.

Pour le moment, les 85 millions d’individus qu’ils possèdent, très inégalement dosés entre les solitudes des steppes et les fourmilières citadines, ne sont pas partout en majorité de race blanche : les nègres l’emportent sur les blancs de 50 pour 100 dans le Mississipi, de 40 pour 100 dans la Caroline du Sud ; ils sont en nombre égal dans la Virginie, la Louisiane, la Géorgie, la Floride et l’Alabama ; ils forment moitié de la population dans la Caroline du Nord et le Tennessee. Ces proportions changeront avec les années, quoique la multiplication des noirs ne soit pas en voie de déclin. Depuis 1860 ils ont doublé, — de 4 millions et demi à 9 millions, — et, comme ils essaiment hors des États du Sud, ils embarrassent ; il y a une « question nègre » à Chicago. Quelques-uns s’enrichissent ; on rencontre dans les pulmann des dames de couleur accompagnées de leurs femmes de chambre.

Les recensemens distinguent les personnes nées en Amérique et celles qui sont nées à l’étranger ; mais ils ne pourraient nous dire, vu l’organisation très vague de ce que nous appelons en France l’ « état civil, » comment se décompose la natalité ; combien, parmi les enfans qui voient le jour aux États-Unis, appartiennent à des familles réellement américaines et combien à des familles d’immigrans. On serait effrayé de la stérilité des premières. Là-bas, cette stérilité systématique est affichée. Le Français, en général communicatif, est sur ce chapitre très discret et fermé. S’il borne sa progéniture, il ne s’en vante pas. Il