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proclamée. Cependant, M. de Bülow ajoute en termes de plus en plus obscurs, — et volontairement obscurs, on peut le croire, car il n’y a pas d’esprit plus clair ni de parole plus lucide que les siens : — « Il s’ensuit pour nous un devoir de stricte réserve que je veux aussi observer, en ce sens que je ne m’exprimerai pas ici sur les détails de l’affaire de Casablanca. » On se demande ce qu’il aurait eu à dire, s’il s’était expliqué. Quoi qu’il en soit, M. de Bülow se borne à exprimer le regret que la police n’ait pas été organisée plus tôt dans les ports de mer. « Il est possible, dit-il, que ces tristes événemens ne fussent pas arrivés si les troupes de police prévues par l’Acte d’Algésiras avaient été déjà à l’œuvre. » Cela, effectivement, est possible ; mais le Livre jaune a prouvé avec évidence que les retards qui ont eu lieu ne provenaient pas de la négligence de la France et de l’Espagne, mais bien de la mauvaise volonté entêtée du Maghzen, à un moment où nous ne disposions d’aucun moyen de la vaincre : le Maghzen croyait, en effet, avoir les meilleures raisons de penser qu’il ne s’exposait à aucun danger en s’y livrant. Depuis, nous avons, toujours de concert avec l’Espagne, fait part aux puissances de l’intention éventuelle où nous étions d’organiser provisoirement la police par des moyens différens de ceux qui avaient été prévus à Algésiras. « Nous avons, dit à son tour M. de Bülow, précisé dans un memorandum notre point de vue à cet égard. » Le memorandum allemand contient, en même temps qu’une adhésion à notre proposition, un conseil de ne l’exécuter qu’avec prudence et avec des forces assez imposantes pour prévenir tout accident nouveau. Nous attendons le moment d’agir. On ne peut pas nous reprocher d’avoir laissé, en l’attendant, la situation s’aggraver, soit à Casablanca, soit ailleurs : elle s’est incontestablement améliorée.

Mais le passage du discours de M. de Bülow qui nous a le plus frappé est celui où le chancelier de l’Empire repousse l’affirmation qui avait été émise nous ne savons où, au procès Harden peut-être, que l’Allemagne avait été à deux reprises différentes, dans ces derniers temps, à la veille de la guerre : une fois, au moment le plus aigu des affaires marocaines, une autre, au moment du voyage de M. Loubet à Rome et à Naples. Laissons de côté ce dernier point qui n’intéresse que l’histoire, et dont sans doute elle s’occupera peu. Sur le premier, M. de Bülow s’est exprimé en ces termes : « Nous aurions aussi peu fait une guerre pour le Maroc que nous ne l’aurions faite en 1870 à cause de la candidature au trône d’Espagne du prince de Hohenzollern. Mais, comme autrefois le second, le premier de ces faits pourrait