personne ne s’oppose à ce qu’elle le soit ; mais elle est pendante devant la commission de l’armée du Sénat, et, à défaut de toute autre considération, il serait de la plus élémentaire convenance de laisser à cette commission le loisir de l’étudier, sans qu’aucune impatience du dehors vienne en précipiter et en brusquer la solution. La Chambre ne l’entend pas ainsi. Elle a pris la détestable habitude, lorsqu’une question traîne trop longtemps à son gré, de la résoudre, comme on dit, par voie budgétaire. Toutes nos institutions publiques, qu’elles soient civiles ou militaires, ne peuvent vivre que si elles sont alimentées par le budget, et dans la mesure où elles le sont : on peut donc les modifier ou même les supprimer en modifiant ou en supprimant les crédits qui leur permettent de fonctionner. S’il y a des lois qui font obstacle, on les change du même coup. C’est ainsi qu’un grand nombre de « réformes » ont été faites, et nous n’avons pas besoin de dire qu’elles l’ont été généralement très mal ; mais beaucoup de députés sont convaincus qu’on ne peut pas les faire aboutir autrement. On n’en finit plus, disent-ils, quand on regarde les choses de trop près et qu’on les étudie minutieusement dans tous leurs détails, comme les commissions qui se respectent tiennent à honneur de le faire ! Le procédé budgétaire est beaucoup plus expéditif. Les Chambres en usent souvent, et nous avons vu des budgets qui, à la façon d’immenses remorqueurs, entraînaient avec eux des quantités de réformes que des mains habiles y avaient accrochées. Il est bien rare que cette manière de procéder n’ait pas d’inconvéniens ; mais on peut s’y résigner dans les cas ordinaires. En est-il de même lorsqu’une de nos institutions fondamentales est en cause, surtout une de nos institutions militaires, surtout la loi du recrutement ? Non certes ; mais la Chambre n’y a pas regardé de si près ! Une autre préoccupation hante son esprit. Elle se sent impopulaire depuis qu’elle a élevé à 15 000 francs les indemnités de ses membres ; elle a donc cherché à la hâte un moyen de reconquérir la faveur populaire, et par un vote qui a réuni une écrasante majorité, elle a réduit d’une semaine les 28 et les 13 jours. Le gouvernement a essayé de la retenir, mais en vain. Il l’a fait d’ailleurs avec tant de faiblesse et de mollesse qu’il a mérité d’être battu dans un premier scrutin, après quoi, de crainte de l’être encore dans les suivans, il s’est abstenu d’y prendre part. Une voix avait pourtant demandé avec insistance à M. le ministre de la Guerre de dire nettement si la question importait à la défense nationale. — Je l’ai dit trois fois, a-t-il répondu d’une voix blanche et sans accent. — Il l’a dit trois fois, mais le
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