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combien je regrette de ne pouvoir pas en signaler plusieurs autres qui se trouvent être, au total, de bons romans, et très intelligemment appropriés au goût des classes particulières de lecteurs à qui ils s’adressent ! Quelques-uns d’entre eux, par exemple, auraient de quoi nous offrir des renseignemens bien curieux sur deux genres non moins foncièrement « nationaux » que ceux du roman religieux et de la transfiguration poétique du roman d’aventures : à savoir, le roman « historique, » et ce qu’on pourrait appeler le roman du « coup de poing, » c’est-à-dire un roman qui a pour objet d’offrir aux Anglais la représentation d’un type idéal de leur race, sous les espèces d’un jeune gaillard affirmant sa supériorité, et l’élévation de ses sentimens, par un généreux emploi de sa vigueur musculaire. De ce dernier genre on trouvera un échantillon magnifique dans le John Glynn de M. Paterson[1], où l’on verra une façon d’apôtre se servir de la force invincible de ses poignets pour ramener la vertu dans un des quartiers les plus vicieux de Londres ; et la forme du roman « historique, » de son côté, reste si profondément familière au lecteur anglais que, de plus en plus, des romanciers prennent l’habitude de situer dans le passé jusqu’à des histoires de détectives poursuivant la piste de mystérieux criminels, tandis que d’autres s’amusent à imaginer des héros fictifs qui, avec des caractères différens, jouent exactement le rôle politique qu’ont joué naguère des personnages fameux de l’histoire nationale[2]. Et comment, enfin, pourrais-je terminer cette rapide revue du roman anglais d’aujourd’hui sans mentionner le vif plaisir que m’ont causé des études psychologiques à la fois élégantes et solides, comme La plus forte Plume de M. Hugh de Sélincourt[3], ou de fins tableaux de la vie enfantine, comme ceux qui remplissent le Petit Seigneur de Mme de la Pasture[4], ou des visions infiniment mélancoliques et tendres

  1. John Glynn, par Arthur Paterson, 1 vol. Londres, librairie Macmillan, 1907.
  2. Ainsi le personnage principal des Rebelles de Sa Majesté, de M. S. Royse Lysaght (Macmilian), se trouve être un éloquent agitateur irlandais qui succombe à la tentation d’un amour coupable, tout comme l’a fait, autrefois, Charles Stewart Parnell ; et les Tisserands de M. Gilbert Parker (Heineman) nous décrivent une figure de conquérant mystique qui ressemble exactement à celle de l’illustre Gordon-Pacha.
  3. The Strongest Plume, par H. de Sélincourt, 4 vol. Londres, librairie Lane, 1907.
  4. The little Squire, par Mrs H. de la Pasture, 1 vol. illustré. Londres, librairie Cassell, 1906.