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à coup sûr, de tous les livres que j’ai rencontrés dans mon exploration des romans anglais. Tout d’abord, ce livre est un vrai roman, avec des personnages d’une individualité bien distincte : un homme d’État anglais et sa jeune femme, un prêtre, le vénérable vieux pape, et cet énigmatique et surnaturel apôtre de la religion nouvelle, ce symbole de l’Antéchrist, qui ne nous apparaît que de loin, sous un voile de mystère, mais dont l’ombre même nous cause une impression inoubliable de malaise et de vague effroi. Un roman, où plusieurs intrigues se déroulent et s’entremêlent, de chapitre en chapitre, et semées de péripéties ingénieuses ou pathétiques, depuis l’agonie désespérée d’une vieille femme que ses enfans veulent empêcher de se confesser, jusqu’à l’épouvantable anéantissement de Rome, au moyen de quelques bombes lancées du haut d’un ballon, et jusqu’à la veillée funèbre des douze derniers chrétiens, précédant la brève, mais terrifiante, peinture de « l’abomination de la désolation. » Un roman « d’aventures, » un roman « sensationnel : » l’auteur, dans sa préface, l’avoue expressément. Mais aussi un roman « scientifique, » non moins riche que ceux de Jules Verne ou de M. Wells en descriptions d’appareils prodigieux, ballons et explosifs, automobiles perfectionnés, inhalateurs transformant la mort en une extase de pure volupté. Et enfin ce sont, entrecoupant tout cela, de savantes conversations sur la philosophie, la religion, et la politique, dont la présence achève de donner au livre une allure à la fois imprévue et piquante. Certes, le genre du roman religieux échappe à l’ennui, traité de la façon qu’il l’est par M. Benson. A peine avons-nous le loisir de nous demander, par instans, si la fin du monde n’était peut-être pas un sujet bien sérieux pour qu’il fût permis, à un écrivain catholique, d’en faire la matière d’un roman-feuilleton.


C’est encore dans la catégorie des romans religieux que doit être classé, si on veut le tenir pour un roman, un livre anonyme qui vient de paraître il y a quelques semaines, et qui est en train de provoquer aujourd’hui, dans le public anglais, un très vif mouvement de curiosité. Le livre s’appelle Père et Fils[1], et nous expose l’histoire d’un jeune homme s’affranchissant, peu à peu, des rigides croyances calvinistes où l’ont élevé ses

  1. Father and Son, 1 vol. in-8o, Londres, librairie Heinemann, 1907.