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cette intrigue, d’abord très maladroite et embarrassée, acquiert sans cesse plus de précision au courant du récit, et que tous les chapitres consacrés au séjour de Marcelle et de son frère à Rome, en particulier, sont un modèle de narration vivante, pittoresque, et touchante. Les descriptions des églises, des palais, des jardins romains s’y mêlent très harmonieusement avec l’analyse des émotions fiévreuses de deux jeunes cœurs avides de beauté. Mais ni l’intérêt brûlant du sujet, ni le mouvement du récit et le charme des descriptions, n’égalent l’admirable qualité des portraits du frère et de la sœur, tels que nous les présente la seconde moitié du roman. Il y a, dans l’âme du frère, un mélange de douceur et d’orgueil, de sincère pitié et d’ambition égoïste, qui prête à ce caractère une originalité saisissante ; et la sœur est si adorablement affectueuse et bonne que son image suffirait, à elle seule, pour nous rendre sympathiques des croyances dont elle est l’expression spontanée et parfaite, anima naturaliter christianissima.


Heureuse la littérature anglaise, qui possède des romanciers catholiques capables de traiter les problèmes religieux avec autant de hardiesse, et de sagesse, et d’art ! Sans compter que deux ou trois de ces romanciers, tout en servant un idéal commun, mettent à son service les tempéramens les plus différens que l’on puisse concevoir. Pendant que Mme Wilfrid Ward incarne en deux belles figures le conflit tragique de deux modes de foi, un vénérable prêtre irlandais dont j’ai eu déjà l’occasion de parler, l’abbé Sheehan, continue à dessiner, avec une bonhomie et une malice piquantes, des types de prêtres et de paysans de son pays[1] ; et un prêtre anglais, de son côté, le P. Robert Hugh Benson, transporte dans les domaines les plus divers une imagination et une habileté narrative qui, s’il les dépensait à des sujets profanes, lui auraient valu déjà une réputation comparable à celles de M. Hall Gaine ou de M. Conan Doyle. Fils d’un prélat de l’Eglise anglicane, mais converti depuis longtemps au catholicisme, ce prêtre érudit et lettré a publié d’abord des romans historiques, dont l’un, Par quelle autorité ? mériterait d’avoir, dans tout l’univers catholique, le succès populaire d’un second Quo vadis ? C’est un roman d’aventures, l’histoire de l’apostolat

  1. Voyez la Revue du 15 septembre 1902.