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est un roman catholique, destiné à nous représenter l’Église romaine comme le refuge idéal des âmes fatiguées ou endolories. Elle nous y raconte l’histoire d’un vieux garçon qui, poursuivi par une malchance implacable, finit toutefois par trouver la paix, et même un humble et tranquille plaisir, en revenant aux croyances de ses jeunes années.

On ne saurait souhaiter un sujet plus simple, ni plus vrai, ni plus apte à fournir de matière un bon roman religieux. Par malheur, c’est aussi un sujet difficile, trop difficile pour une femme qui ne s’était jamais occupée, jusqu’ici, que de la partie « temporelle » de la vie humaine ; et ainsi Mme Lucas Malet, qui avait naguère excellemment réussi à peindre les souffrances d’un vieux mari amoureux, ou encore la destinée tragique d’un poète de génie condamné à porter le poids d’un corps difforme, n’a point pu réussir, cette fois, à imprégner de vie son portrait d’un incrédule converti au catholicisme. À cette conversion, qui ne nous aurait intéressés que si nous l’avions vue produisant ses fruits au plus profond de l’âme du héros, elle a donné le caractère d’un acte banal et superficiel, à peine plus important, dans l’existence du vieux garçon, que la liaison de celui-ci avec une jeune actrice, personnage qui intervient là on ne sait trop pourquoi. Malgré maints épisodes charmans, l’Horizon lointain est un livre manqué : il n’a ni l’élévation poétique que demanderait son sujet, ni le relief vivant et l’intensité pathétique qui, à défaut d’un roman religieux, en auraient fait, du moins, un récit agréable ou touchant, comme la plupart des précédens ouvrages de Mme Malet.

Je n’affirmerais pas, non plus, que l’ennui soit entièrement absent d’un autre roman catholique, publié, au début de 1906, par Mme Wilfrid Ward, sous un titre qui signifie Hors de propos, ou, mieux encore, Avant l’heure[1]. Toute la première partie du roman, consacrée à la présentation des principaux personnages, a quelque chose de gauche, d’emprunté, et d’un peu fastidieux. Ayant à nous exposer le conflit dramatique de deux fortes âmes, l’auteur a imaginé de nous faire raconter son récit par une troisième personne, une jeune fille, qui assiste à toutes les péripéties du drame sans y prendre jamais une part bien active ; et cette jeune fille, dont le rôle n’a rien pour nous intéresser, tient, dans

  1. Out of due Time, par Mme Wilfrid Ward, un vol. Londres, librairie Longmans, 1906.