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« Demain il sera trop tard, » écrit M. Démontés. — Et c’est à ce moment-là même qu’on la jette dans les difficultés, dans les discordes que l’application de la loi de séparation ne saurait manquer de provoquer. Quelles vont être les conséquences du décret du 27 septembre ? C’est ce qu’il nous reste à chercher.

Les Français d’Algérie sont en très grande majorité catholiques d’origine ; beaucoup même sont venus de nos départemens restés les plus croyans (Alpes, Pyrénées, Corse, Plateau central) ; mais, comme il arrive souvent chez les populations transplantées sur un sol nouveau, les traditions s’oublient peu à peu, et les croyances s’effritent. L’âpreté de la lutte pour l’existence, la prédominance des soucis matériels créent un milieu peu favorable à l’éclosion d’un sentiment religieux profond : la ferveur chrétienne semble être moins vive en Algérie que dans la moyenne des départemens français. Cependant, l’attachement au baptême, à la première communion, aux sacremens du mariage et de la mort, témoignent de la persistance des habitudes et des besoins religieux. Ces populations laborieuses, médiocrement idéalistes, souffriraient pourtant de l’absence de culte : l’église, même quand on n’y entre guère, c’est encore un souvenir de la patrie lointaine, c’est un clocher qui se dresse, comme un emblème national, en face du minaret. On serait donc bien aise, encore qu’on n’ose pas toujours l’avouer, de garder l’église et le curé. Mais les colons algériens sont presque tous de petits et de moyens propriétaires, peu fortunés, et, excepté peut-être dans les grandes villes, le clergé ne trouvera, après la séparation, que des ressources bien insuffisantes pour assurer sa subsistance. Cette population est habituée à toujours compter sur le concours du gouvernement ; qu’elle se plaigne de la pluie ou de la sécheresse, de la grêle ou des sauterelles, qu’elle ait besoin de travaux de voirie ou d’irrigation, c’est au fonctionnaire qu’elle a recours. Mise en demeure de payer elle-même ses prêtres, elle les laissera partir, mais elle en sera mécontente ; et l’on verra l’élément étranger appeler, d’Italie ou d’Espagne, un clergé nouveau.

Les étrangers ou naturalisés, venus en Algérie des provinces les plus catholiques de l’Italie méridionale, de la Sicile, de l’Espagne méditerranéenne ou de l’île de Malte, restent attachés à leurs pratiques et à leurs habitudes religieuses, au culte du leurs saints nationaux, à leurs fêtes traditionnelles. Andalous,