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Algérie, pourraient y devenir un élément plus dangereux. Les Espagnols rêvent de la grande Espagne du passé ; les Italiens pensent à la grande Italie de demain dont leur désir patriotique voit flotter le drapeau sur toutes les rives méridionales de la Méditerranée, depuis les frontières d’Egypte jusqu’au-delà de Bizerte. Mais ils sont des travailleurs endurcis à tous les climats, aptes aux plus rudes besognes ; terrassiers, vignerons, cultivateurs, ils rendent à la colonisation de précieux services. Des Maltais, la France n’a rien à redouter, au contraire ; leur petite patrie ne sera jamais un État puissant ; elle est aux mains des Anglais qu’ils détestent ; ils sont d’ailleurs beaucoup moins nombreux en Algérie qu’en Tunisie[1].

Tous ces élémens concourent à la prospérité et à l’essor de l’Afrique du Nord, et l’on ne saurait sans injustice leur faire grief de ne pas se transformer, d’un coup de baguette, en Français de race et de tradition. Ce n’est pas une politique de défiance qu’il convient de pratiquer vis-à-vis d’eux ; c’est une politique de conquête, d’ascendant moral et social, de supériorité économique et intellectuelle. Ne pouvant être le nombre, les Français doivent être l’élite dirigeante, constituer l’aristocratie de fortune, d’intelligence et de gouvernement.

Le problème qui se pose pour la France en Algérie est le même, toutes proportions gardées, que celui qui préoccupe les États-Unis : c’est un problème d’assimilation et, pour le résoudre, le gouvernement n’est pas désarmé. Il lui appartient de faciliter l’émigration de ses nationaux en Algérie pour y renforcer l’élément français. Sur cent propriétaires algériens, soixante-treize sont Français : c’est une heureuse proportion qu’il est possible de maintenir ou d’accroître en attirant de nouveaux colons français. La colonisation officielle, tant critiquée, a, en somme, donné quelques bons résultats : c’est elle, malgré tous ses inconvéniens, qui a peuplé l’Algérie de petits propriétaires français[2]. L’école, il n’est pas besoin de le démontrer, représente une force assimilatrice très efficace : elle prend l’enfant tout jeune, elle façonne son cerveau et le meuble d’idées.

  1. Sur les Maltais et le rôle qu’ils pourraient jouer dans l’Afrique du Nord, voyez notre ouvrage, l’Empire de la Méditerranée (Perrin, 1903, in-8o).
  2. Voyez sur ce point le très intéressant travail de M. de Peyerimhoff : Enquête sur les résultats de la colonisation officielle de 1871 à 1895, Alger, imprimerie Torrent, 2 vol. in-8o.