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leurs prières. La dignité de l’homme, que Pascal plaçait dans la pensée, réside pour le musulman dans la prière ; la fin de toute vie humaine lui semble être moins encore de connaître Dieu que de le reconnaître, de lui rendre hommage ; c’est par la prière, par l’acte religieux, que l’homme se distingue des animaux, qu’il affirme sa supériorité sur la femme. Tout homme dont la vie est consacrée à la prière, au jeûne, aux bonnes œuvres, ils l’honorent et le révèrent, sous quelque nom qu’il serve Dieu. Ils en donnent actuellement une noble et touchante preuve à l’égard du Français illustre qui fut naguère le vicomte de Foucauld, dont les courageux voyages et le livre admirable nous ont révélé la vie marocaine, et qui aujourd’hui, sous la bure du trappiste, sans armes, sans ressources, parmi les tribus farouches et les mornes étendues du Sahara, est devenu, comme autrefois les saints ermites de la Thébaïde, l’objet du respect, de la vénération et des soins pieux des indigènes. Qu’il célèbre la messe ou qu’il invoque Allah, peu leur importe : ils ont reconnu en lui un marabout, un élu d’en haut ; ils le protègent, le nourrissent, et pour baiser la frange de sa robe, pour entendre sa voix et s’édifier à son exemple, ils traversent, fervens pèlerins, les immenses solitudes, moins désertes que l’âme où Dieu n’habite pas.

Avec des hommes pour qui la religion est le droit et la loi » le centre et le lien de la vie sociale et nationale, il est trop clair qu’il n’y a pas de séparation de l’Eglise et de l’Etat possible. Ce serait déjà trop, si la loi de 1905 aboutissait, même après dix ans, à supprimer les traitemens des imam et des muftis, et les subventions aux mosquées. L’attention du gouvernement général est trop éveillée sur les questions intéressant les indigènes pour que les inconvéniens d’une séparation, même réduite à la suppression de quelques traitemens et allocations, ne lui apparaissent pas. Aussi est-il d’ores et déjà certain que le décret du 27 septembre sera appliqué au culte musulman dans un esprit de large bienveillance, et que toutes les atténuations possibles y seront apportées. Les musulmans n’auront aucune difficulté à constituer, comme le leur conseillera l’administration, des associations cultuelles en règle avec la loi, et ces associations seront qualifiées pour recevoir, pendant cinq ans, des allocations pour l’entretien et les réparations des mosquées. D’ailleurs, presque toutes les grandes mosquées sont classées comme monumens historiques, et, quant à la foule des petites, leur simplicité