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d’abondantes aumônes). La grande majorité de nos indigènes d’Algérie sont affiliés à des confréries ; les unes ont leur centre, leur zaouia principale, en Algérie, d’autres au dehors, au Maroc par exemple. L’association des Taïbia, dont les chefs sont nos protégés, les chérits d’Ouezzan, est l’une des plus populaires en Algérie ; celle de Sidi-Abd-el-Kader-el-Djilani compte aussi un grand nombre d’adhérens. Lorsque, pour la première fois après la conquête, le gouvernement français permit au chérif d’Ouezzan de faire une tournée en Algérie, ses partisans tirent éclater un enthousiasme indescriptible ; on les vit, à son entrée à Tlemcen, se presser sur son passage, jetant leurs manteaux sous les pas de sa mule, baisant dévotement le bas de son burnous, le comblant de riches présens. Un mot d’ordre, un geste de ces saints personnages peut déchaîner le fanatisme et la guerre sacrée parmi des milliers d’indigènes. La vie arabe est une vie rurale : marabouts et chefs de confréries ont seuls une action réelle sur les tribus ; le clergé des villes leur est inconnu et n’a aucune influence sur elles ; celui qui se laisse salarier par les chrétiens, en a moins encore. La vie musulmane, dans ses manifestations profondes, échappe presque absolument, sinon à la vigilance, du moins à l’influence du gouvernement de l’Algérie.

Il suffit de jeter les yeux sur le chapitre du budget consacré au culte musulman pour se rendre compte qu’aucune comparaison ne peut être établie entre l’organisation musulmane et l’organisation catholique. L’Etat français donnait jusqu’à présent :


A 23 muftis de 4 000 fr. à 1 500 fr. soit 46 500 fr.
A 18 muderres — 1200 — à 900 — 16 740 —
A 161 imans — 2 000 — à 100 — 74 590 —
A 278 agens inférieurs (hazzab, muezzins, gens de service, etc.) 78 197 —
Total 480 ministres du culte musulman 216 027 fr.
En outre, l’État français allouait pour le matériel du culte 60 980 fr.
Pour les constructions et l’entretien des édifices (1907) 80 000 —
Enfin, au chapitre des œuvres intéressant les indigènes, un crédit de 35 000 —

était inscrit, depuis quelques années seulement, « pour subventions aux communes, pour entretien et construction des petites mosquées et pour rétribution de leur personnel. »