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reconnaître que sa force vient de l’esprit de travail et d’épargne de ses habitans ? C’est parce que chaque jour la grande majorité des Français, et la plupart d’entre eux merveilleusement secondés par leurs admirables compagnes, s’attellent à leur tâche quotidienne en s’efforçant de la bien remplir et de gagner un peu plus qu’ils ne dépensent, que nous avons pu constituer les réserves de numéraire et de capital qui sont si précieuses à l’heure du danger. Un système financier avec lequel de pareils résultats ont été obtenus doit avoir de singuliers mérites. Il y a peu de jours, des Chambres de commerce anglaises invitaient le gouvernement britannique à étudier une transformation de la Banque d’Angleterre et à en rapprocher l’organisation de celle de la Banque de France. Pour qui connaît l’esprit de tradition et de particularisme de nos voisins, une pareille démarche a une signification et une portée sur lesquelles il est inutile d’insister. Convient-il donc de bouleverser en ce moment nos institutions financières et en particulier notre régime d’impôts, lorsque l’on constate le développement harmonieux de la richesse publique qui a pu se produire avec cette organisation ? Une démocratie a besoin de dépenser : elle est condamnée à voir ses budgets grossir sans cesse. Elle ne peut les équilibrer sans souffrance pour les contribuables, que si les facultés de ceux-ci, pour employer la belle expression des Constituans de la première République, augmentent. La crise américaine nous montre que les nations les plus riches ne sauraient impunément s’écarter de cette règle. L’atteinte portée au crédit a immédiatement les contre-coups les plus graves ; le commerce et l’industrie se ralentissent, des centaines de milliers d’ouvriers sont sans ouvrage. Les hommes d’Etat et les parlemens doivent méditer cet enseignement et ne pas porter d’un cœur léger la main sur un édifice construit par le patient labeur des générations qui nous ont précédés.


RAPHAËL-GEORGES LEVY.