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En matière industrielle, la situation n’est pas la même. D’une part, les produits fabriqués sont en général moins essentiellement indispensables à l’homme que les alimens, et de ce chef par conséquent la demande en est susceptible de variations infiniment plus fortes que celle du pain, parce que l’homme peut vivre en réduisant, ou, dans beaucoup de cas, en supprimant certaines consommations. D’autre part, la volonté humaine a une action bien plus directe et considérable sur l’extraction des richesses du sous-sol, la construction des usines et la fabrication des objets que sur le développement des végétaux. Il dépend exclusivement de cette volonté de creuser des puits et d’amener à la surface de la terre la houille, les minerais, le pétrole, d’édifier des manufactures, de travailler le fer et les autres métaux. C’est la seule initiative des hommes qui file la laine et le coton, qui tisse les vêtemens, qui construit les maisons, les chemins de fer, qui organise les transmissions électriques. D’autre part, les besoins auxquels cette activité cherche à donner satisfaction, tout en étant impérieux, le sont moins que celui de manger. L’homme peut les restreindre : il se contente d’un vêtement plus simple, en change moins souvent, habite des demeures plus modestes, se déplace moins fréquemment, use de moins de chaleur et de lumière à de certaines époques qu’à d’autres. Il y aura de ce chef des variations énormes dans la demande des mêmes objets et un élément d’incertitude considérable pour les industriels. Moins les besoins auxquels ils répondent sont élémentaires, c’est-à-dire moins ils font partie de ceux que l’homme doit satisfaire à tout prix sous peine de cesser d’exister, et plus grands sont les risques de variations de la demande, et par suite des prix. Les industries de luxe sont bien plus exposées à ces fluctuations que celles qui produisent des choses d’une consommation courante : un fabricant de chocolat ou de charrues peut mieux connaître la quantité probable de ses ventes annuelles qu’un marchand de dentelles ou qu’un horloger. Une prospérité générale, de très bonnes récoltes qui mettront des sommes considérables entre les mains des agriculteurs, pousseront ceux-ci à acquérir, un grand nombre d’objets manufacturés et en feront hausser le prix. Ces prix élevés représenteront pour les industriels une marge de bénéfice plus grande qu’auparavant et les engageront à augmenter le plus possible leur production.