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je lui pourrai envoyer en original, car je n’ai osé lui refuser de vous en parler. »

Cette lettre causa une vive irritation à Charles-Louis. On remarquera dans sa réponse l’allusion à Marie de Médicis : « (4 octobre 1679.)… Pour mon impromptu que vous croyez nécessaire pour excuser à Monsieur que je ne donne point d’argent comptant à Charlotte pour sa subsistance, je crois que vous n’en avez pas besoin, à cause que vous êtes assez informée de ses comportemens envers moi, qui sont assez publics, ont duré plus de vingt ans, dont on pourrait remplir des cahiers, lorsqu’on me demanderait de bon escient avec quel fondement de droit, d’équité et de bienséance, je lui en devrais donner ; Monsieur se pourra aussi souvenir, puisqu’il n’est pas hors de la mémoire d’homme, que d’autres princes chrétiens en ont usé de même envers des proches, auxquels naturellement ils devaient plus de respect et de tendresse que (je) n’en dois à Charlotte, pour s’en être rendue indigne… »

De la duchesse Sophie : « (Osnabruck, 15 octobre.)… La réponse que vous dites que je devais faire à Monsieur touchant Charlotte n’est pas valable en France. M. de Colonna[1], Mazarin et le Grand-Duc de Toscane ne sont pas mieux en femmes que vous et ne laissent pas pourtant de les entretenir. Il (Monsieur) est assez bien informé de son humeur (l’humeur de Charlotte), mais il dit que cela ne l’empêche pas d’être Electrice et mère de vos enfans. Je sais bien que la grand’mère de Monsieur n’était pas plus heureuse, mais si l’on en doit croire l’histoire, elle avait fait de plus grands crimes. »

Une autre question, également désagréable à Charles-Louis, parce qu’il s’agissait aussi de délier les cordons de sa bourse, était venue se greffer sur celle de Charlotte. Il n’avait point payé la dot de Madame, et il est certain qu’il devait en avoir moins envie que jamais, ayant été maltraité par la France. La duchesse Sophie y voyait des inconvéniens pour Madame. Elle écrivit le 23 novembre à son frère : « J’ai vu fort amplement qu’il n’a pas tenu à vous de payer la dot de Liselotte, mais peut-être que Monsieur n’appellera pas cela grand’chose, quoique cela

  1. Le connétable Colonna, marié à Marie Mancini. Le duc de Mazarin avait épousé Hortense Mancini, sœur de la précédente. Cosme de Médicis, grand-duc de Toscane, avait épousé Mlle d’Orléans, demi-sœur de la Grande Mademoiselle. Tous les trois avaient été malheureux en ménage.