Madame s’accusait aussi d’être lâche devant la souffrance : « J’avoue que je suis alors un grand poltron[1]. » Bref, elle avait la maternité en abomination : « C’est d’un bout à l’autre, depuis le commencement jusqu’à la fin, un très vilain métier, dangereux et sale, qui ne m’a jamais plu[2]. » Opinion que Madame n’eut pas la sagesse de garder pour soi. On disait à la Cour : — Quand on veut dégoûter quelqu’un du mariage, il faut mettre Madame sur ce sujet-là.
Les campagnes de Monsieur pendant la guerre de Hollande furent d’autres événemens de marque dans la vie de Liselotte. Elle était, dans ces premières années, aussi épouse que mère ; on arrangera cela comme on pourra avec l’opinion de tout à l’heure. Absent, Monsieur lui manquait jusqu’à tomber malade d’ennui et d’inquiétude[3]. Il revenait : c’était une fête : « Madame est transportée du retour de Monsieur, » écrivait Mme de Sévigné le 8 juillet 1676. L’amour-propre s’en mêlait, car on avait vu le miracle de 1667 se renouveler, et l’armée s’ébahir à nouveau des brillantes qualités militaires d’un prince aussi efféminé. Jusqu’à quel point il commanda réellement, ou ne fut que le porte-paroles de ses généraux, on ne le saura jamais avec précision ; mais pour l’intrépidité, le sang-froid dans une tranchée ou au milieu d’une mêlée, il avait des milliers de témoins, et tous unanimes. A la bataille de Cassel[4], qu’il gagna le 11 avril 1677 sur Guillaume d’Orange, il entraîna lui-même ses soldats, les ramena trois fois à la charge, et fut si grandement loué de tous, qu’il ne fut pas douteux pour les courtisans que le Roi en prendrait ombrage. En effet, Louis XIV ne lui confia plus jamais d’armée ; aidé ou non, Monsieur s’en servait trop bien pour un cadet royal.
Dans l’intervalle de ses deux campagnes, Monsieur avait proposé à sa femme un arrangement intime qui la combla de joie. En réalité, c’était la première fêlure d’un bonheur rendu fragile par l’opposition des caractères ; mais Madame ne le devina point : elle était de ces gens d’esprit qui manquent de finesse : « Je fus enchantée lorsque, après la naissance de ma fille, feu mon époux fit lit à part[5], car je n’aimais pas le