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de l’affection paternelle que Sa Grâce nous a toujours témoignée, et ensuite, parce qu’il m’est encore plus difficile de croire que Sa Grâce veuille nous faire un affront, car, lui étant aussi proches que nous le sommes, l’affront retomberait sur Sa Grâce ; sans compter que papa sait bien que je suis dans un lieu où on ne le supporterait pas. Je souhaite donc de tout mon cœur que Sa Grâce l’Électeur ne pense plus à cette proposition. »

Cette espèce de sommation et son ton menaçant mirent Charles-Louis en colère. De lui à la duchesse Sophie : « (24 novembre 1677.)… Je voudrais bien savoir quel ignorant ou malicieux a persuadé Monsieur et Liselotte que ce serait un tort pour eux ou pour le prince Électoral que je me remarie. Vous lui avez fort bien répondu… Mais je voudrais que Liselotte se mêlât de ce qu’elle entend mieux que cette matière, et que, si elle ne peut rien contribuer à mon repos, qu’elle s’abstienne à me faire des fâcheries… » — La duchesse Sophie à Charles-Louis : « (5 janvier 1678.) Liselotte ne m’a point écrit depuis ma réponse sur votre sujet ; je ne sais si c’est un signe de conversion ou perversion ; peut-être n’a-t-elle le loisir de penser à l’un ni à l’autre, par les divertissemens continuels de la Cour. » Madame à la duchesse Sophie : « (11 janvier 1678.) Il n’y a pas de jours que l’on ne m’entreprenne sur l’histoire du divorce. Votre Dilection et l’oncle[1] se moquent de ce que je suis devenue si bonne catholique que d’attacher tant d’importance au sacrement de mariage. C’est que ce sacrement-là fait si bien mon affaire, que je voudrais qu’il durât éternellement, et qu’il n’y eût pas moyen de le rompre, car celui qui voudrait me divorcer d’avec Monsieur ne me ferait aucun plaisir. Votre Dilection peut être sûre que si la mode du divorce venait à s’établir, cela me déplairait beaucoup ; et que, s’il fallait trois abjurations comme celle que j’ai faite à Metz pour convaincre les gens que le mariage est un sacrement, et que, par conséquent, il est indissoluble, Votre Dilection recevrait trois promesses cachetées au lieu d’une. Je voudrais de tout mon cœur que Sa Grâce l’Électeur fût de mon avis, et, de plus, je voudrais que Sa Grâce fût aussi heureuse que moi. »

A quelques mois de là, l’Allemagne et la France avaient fait la paix. Madame proposa à son père et à sa tante de lui donner

  1. Ernest-Auguste, époux de la duchesse Sophie.