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accoutumées. Elle avait demandé pardon au prince Charles, fait écrire à la duchesse Sophie pour « recommander… ses pauvres enfans… à sa compassion[1], » et à Madame pour la supplier de marier l’aînée de ses demi-sœurs en France, sous son aile. Ayant ainsi rempli ses devoirs de politesse et fait ce qu’elle pouvait pour les Raugraves, Louise de Degenfeld expira en paix, confiante en la miséricorde divine. Elle avait expié sa faute d’avance, car elle avait bien souffert par Charles-Louis.

Celui-ci la pleura beaucoup et se consola vite ; c’était l’usage du temps. Six semaines après l’enterrement, il discutait paisiblement s’il serait sage de divorcer avec Charlotte, sa femme légitime, et de se remarier, comme la duchesse Sophie lui en donnait le conseil. Il s’occupait en outre d’une intérimaire, en attendant mieux, et n’avait point de peine à la trouver. Ce fut une Suissesse, nommée Mlle Berau, qui avait été au service de Louise de Degenfeld. Dès le 17 juin, sa sœur put « se réjouir » avec lui de ce qu’il avait « trouvé une personne sociable pour se délasser de toutes ses peines et fatigues. »

La duchesse Sophie parlait librement à son frère de sa « Suissesse. » — « C’est signe de santé[2], » disait-elle avec satisfaction. Elle jugea cependant inutile de donner cette bonne nouvelle à Liselotte, et se contenta de lui mander les projets de divorce et de remariage. Madame prit très mal la chose : « (4 nov. 1677.) Dieu veuille que nous nous soyons trompés… et que cela mette fin à tous les discours sur la proposition que Sa Grâce l’Electeur a fait faire à Sa Grâce Madame ma mère. Au commencement, je n’avais pas pu y croire, parce qu’on ne m’en avait pas dit un seul mot de la maison ; mais, à présent, je ne peux plus en douter, puisque Votre Dilection me l’écrit. Cela fait ici le plus grand tort[3] à Sa Grâce l’Electeur, et on dit aussi que Sa Grâce ne peut pas divorcer avec Sa Grâce Madame ma mère sans nous faire du tort et un affront, à mon frère et à moi. Aussi ai-je trouvé Monsieur très alarmé de cette affaire. Il m’a dit que le Roi la trouvait fort singulière, mais j’ai prié Monsieur d’avoir patience jusqu’à ce que je sache ce qu’il en est, car j’ai peine à croire que Sa Grâce l’Electeur veuille nous faire une injustice, à mon frère et à moi ; d’abord à cause

  1. Lettres de Charles-Louis à la duchesse Sophie, des 7 avril et 10 mars 1677.
  2. Lettre du 27 mai 1680, à Charles-Louis.
  3. Les mots en italiques sont en français dans l’original.