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des projets du roi de France. Elle le sentait et, prudemment, s’abstenait de déplaire, mais les siens la trouvaient trop précautionneuse.

Elle se faisait si mal juger d’eux, sur ce point particulier des services à rendre, que sa chère tante Sophie n’essayait pas de la défendre vis-à-vis de son père et jetait plutôt de l’huile sur le feu, contrairement à ses habitudes : « (9 nov. 1679.) Liselotte… vit avec beaucoup de liberté… sa gaieté divertit le Roi ; je n’ai pas remarqué que son pouvoir va[1] plus loin qu’à le faire rire ni qu’elle fasse des efforts pour le pousser plus avant. » — « (1er février 1680.) Liselotte n’est pas trop capable de faire grand bien à ses amis ; elle se contente des bonnes grâces du Roi pour pouvoir aller avec Sa Majesté à la chasse, et craindrait de lui déplaire si elle lui demandait aucune faveur. » — « (29 février.) Liselotte a si peur de se mettre mal avec le Roi son beau-frère, qu’elle n’ose lui parler que de choses pour le faire rire, quand même ce ne serait que l’histoire d’un p.., pour des autres il me semble qu’elle n’ose s’émanciper de lui parler. » La duchesse et Charles-Louis étaient convaincus qu’elle y mettait de la mauvaise volonté.

Ils l’avaient trouvée aussi bien indifférente aux souffrances de son pays durant ces années d’invasions répétées. Elle s’en était montrée affectée au début. Dans l’été de 1674, où le Palatinat fut ravagé par Turenne[2], il y eut échange de lettres amicales entre Saint-Cloud et Heidelberg. — De Charles-Louis à Louise de Degenfeld, le 30 septembre : — « J’ai reçu par le dernier courrier une lettre de Liselotte, m’assurant affectueusement de son devoir filial, quoi qu’il arrive[3]. » Monsieur n’était pas resté en arrière. Il avait intercédé deux fois auprès du Roi, « m’étant une chose fort fâcheuse, écrivait-il à son beau-père, que la guerre continue dans votre pays comme elle y est…, vous étant ce que je vous suis, et plus encore Madame et moi étant ensemble aussi bien que nous sommes, et qui sait bien l’envie que j’ai de vous rendre service[4]. » Louis XIV

  1. Nous rappelons que la correspondance de la duchesse Sophie et de Charles-Louis est en français.
  2. Turenne brûla vingt-sept villages pour venger des soldats français, atrocement torturés par les paysans du Palatinat. Ce n’est pourtant pas encore l’exécution connue sous le nom d’Incendie du Palatinat.
  3. Schreiben des Kurfursten, etc., p. 246.
  4. Publié, avec les réponses à Monsieur et à Madame, dans la Correspondance de la duchesse Sophie et de Charles-Louis, p. 197, note 7.