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Dans celui du pain, Madame et les soixante-quinze sont rationnées, avec une égalité démocratique, à deux pains par tête et par jour, pour le dîner[1] et le souper. Le pain du déjeuner, au contraire, se mesure à l’importance du titulaire ; le gentilhomme servant a un pain tout entier, le chapelain n’en a que la moitié.

Les tableaux du vin, du bois et de la chandelle consacrent le principe de l’inégalité. Le chapelain reçoit une pinte par jour de « vin de table ; » l’aumônier « du commun, » c’est-à-dire de la basse domesticité, n’a que du vin d’office. Dans le tableau du bois, l’année est divisée en six mois d’été, à commencer au 1er avril et finir au dernier de septembre, et six mois d’hiver. En « été, » quelques privilégiés avaient seuls le droit d’avoir froid. Pendant les « six mois d’hiver, » les rangs étaient marqués par le nombre de bûches et de fagots alloués à chacun, en commençant par Madame : « Chambre, antichambre, cabinet, salle où Madame mangera[2] ; 35 bûches, 20 fagots. A la garde-robe, 6 bûches, 6 fagots. A la « chambre » des six filles d’honneur et de leur gouvernante : « 20 bûches, 20 fagots. » A la sous-gouvernante, « 3 bûches, 3 fagots. » Aux femmes de chambre des filles d’honneur : « 0 bûche, 3 fagots. » Il est impossible de tout citer. Le tableau se terminait par une récapitulation : « Nombre par jour, 134 bûches ; à 3 sols 6 deniers la bûche, valent par jour 23 livres 6 sols, et 620 fagots à 1 sol 6 deniers valent par jour 9 livres, et les deux sommes ensemble 32 livres 9 sols, et pour 182 jours 5 905 livres 18 sols. »

Les « flambeaux[3] » de cire blanche coûtaient 27 sols la livre, les bougies de cire jaune 24 sols la livre, et la chandelle 8 sols. Aussi n’y avait-il que Madame qui s’éclairât avec de la cire blanche. Encore n’était-ce qu’en partie ; elle brûlait aussi de la cire jaune, et même de la chandelle : « Cire blanche : Pour la chambre de Madame, 6 flambeaux de demi-livre : 3 livres. — Bougie : 1 livre. — Cire jaune : Pour la chambre de Madame, trois bougies d’un quarteron chacune, cy, trois quarterons. — Chandelle : A la garde-robe, une demi-livre. » Toute la suite de

  1. L’État spécifie que les gens de Madame dinent à midi et soupent à huit. Le déjeuner était notre petit déjeuner.
  2. Il n’existait pas alors de salles à manger proprement dites. On dressait la table ici ou là, selon les circonstances et le caprice.
  3. Flambeau, bougie de cire de trois pieds de long.