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problème. Il a été bientôt évident que M. Ribot préférerait rester en deçà d’une certaine ligne, et que M. le ministre des Affaires étrangères était disposé à aller un peu plus loin. M. Pichon a démontré sans peine que nous ne pouvions avoir aucune confiance dans Moulaï-Halid ; sans doute, mais qui avait dit le contraire ? et il a reproché au Sultan du Sud, quoi ? d’avoir essayé « de se créer au Maroc et à l’étranger des appuis militaires et financiers contre nous. » On pouvait se demander, en écoutant l’orateur, s’il parlait de Moulaï-Halid ou d’Abd-el-Aziz, car ce que le premier cherche à faire, l’autre l’a fait.

Il y aurait de notre part une égale imprudence à trop compter sur celui-ci ou sur celui-là. Nous voulons bien qu’on fasse pour Abd-el-Aziz ce que nous pouvons faire sans nous engager et nous compromettre à sa suite, et comme il est le sultan officiel du Maroc, rien ne nous interdit de mettre une bienveillance assez active dans nos rapports avec lui. Nous souhaitons qu’il l’emporte sur son frère, et la balance semble en ce moment pencher en sa faveur. Mais nous n’avons, nous, qu’à organiser la police dans les ports et sur la frontière algérienne où des symptômes inquiétans se manifestent depuis quelques jours. Rétablir l’ordre au Maroc est une autre affaire ; ce n’est pas la nôtre ; et M. Ribot a condamné, aux applaudissemens de la Chambre, une politique dont il serait impossible, une fois que nous y serions entrés, de prévoir les entraînemens successifs. Il est plus facile de résister au premier qu’au second et à ceux qui viendraient ensuite. Si nous n’étions pas au Maroc, personne, sachant tout ce que nous savons aujourd’hui, n’aurait l’imprudence d’y aller ; mais la situation n’est plus intacte, et les fautes mêmes qui ont été commises nous créent des devoirs auxquels nous avons maintenant à faire face. Nous demandons seulement que d’autres fautes ne nous créent pas encore des obligations nouvelles. Et assurément ce n’est pas trop demander.


Le voyage de l’empereur d’Allemagne en Angleterre s’est bien passé. S’il amène plus de cordialité et de confiance dans les rapports des deux pays, nous serons les premiers à y applaudir : amis de l’Angleterre et voisins immédiats de l’Allemagne, nous avons intérêt à ce qu’elles vivent en bonne intelligence, et, s’il s’élève quelquefois des nuages entre elles, à ce qu’ils se dissipent avant de s’être trop chargés d’électricité. Il aurait fallu fermer les yeux à l’évidence pour n’avoir pas vu quelquefois ces nuages peser sur l’horizon. La lecture