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Nous ne raconterons pas les incidens qui se sont passés dans le groupe radical ; ils sont très insignifians en eux-mêmes, mais M. Sarrien en a senti la pointe dirigée contre lui ; il a donné sa démission de président, et même, dit-on, de membre du groupe, preuve nouvelle et éclatante de la perturbation que le vote des 15 000 francs a jetée dans les esprits. Et il s’en est fallu de peu que M. Ferdinand buisson ne courût la même aventure. Président du groupe radical socialiste, M. Buisson a insinué, avec quelque embarras, qu’il serait peut-être prudent de décider que la Chambre actuelle ne profiterait pas de l’augmentation de l’indemnité parlementaire, et que cette grande réforme démocratique ne s’appliquerait qu’aux assemblées futures. Aussitôt de mauvais regards lui ont été lancés, et il a été le premier à voter tout ce qu’on a voulu. Son scrupule n’en est pas moins significatif : si l’on tient compte de la différence de caractère des deux hommes, il l’est presque autant que la résolution de M. Sarrien.

Aussi la Chambre reste-t-elle troublée ; elle sent un désaccord entre le pays et elle ; elle cherche un moyen de le faire cesser. Il en est un dont quelques conseils généraux se sont avisés à leur session dernière. On leur proposait d’émettre le vœu que les Chambres, revenant sur leur vote, ramenassent l’indemnité de leurs membres au chiffre primitif de 9 000 francs : pour parer le coup, ils ont émis un vœu différent, à savoir que le nombre des députés fût diminué. Il est clair que, si on diminuait le nombre des parlementaires dans une proportion suffisante, on pourrait les payer plus cher sans aggraver la charge des contribuables. Pourquoi n’y a-t-on pas songé au moment où on a augmenté l’indemnité ? La proposition en aurait certainement été faite pour peu qu’il y eût eu une délibération quelconque, mais on sait comment l’affaire a été enlevée par surprise et bâclée. Si le pays s’y était résigné, la question de la réduction du personnel parlementaire n’aurait jamais été posée ; mais il ne l’a pas fait, et nos députés, qui ont l’ouïe fine, ont fort bien entendu sa protestation qui, pour être à demi silencieuse, n’en est pas moins redoutable. Alors des commissions et des groupes qui travaillaient habituellement dans l’ombre sont venus au premier plan, se sont réunis en pleine, lumière, et ont agité très ostensiblement la question de savoir s’il n’y avait pas lieu de réduire le nombre des députés. Leur réponse a été affirmative : ils ont reconnu que le peuple avait trop de représentans, et qu’on pourrait en supprimer une quantité appréciable, en organisant ce qu’ils ont appelé la représentation pro-