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Tandis que la part des hommes mariés est figurée par 773, celle des veufs et des divorcés par 1 601, celle des célibataires monte à 2 039. On n’a pu malheureusement jusqu’ici séparer les veufs et les divorcés dans tous ces calculs : on l’a fait cependant dans la statistique des suicides, et ici encore la comparaison devient, une dernière fois, bien instructive.

Il a été déjà démontré par le docteur Bertillon que les suicides et les divorces tendent à suivre une marche parallèle[1], et que les deux courbes peuvent à peu près se superposer. L’un et l’autre traduisent-ils l’influence de communes misères ? C’est indubitable ; mais l’un des deux, c’est-à-dire le divorce, influe-t-il de son côté sur le suicide ? On ne peut guère en douter non plus, et voici les raisons que les faits nous fournissent. On fut surpris, il y a quelques années, de voir tout d’un coup diminuer le nombre des divorces. Ce à quoi on ne fit pas attention, c’est que le nombre des suicides diminuait aussi, et dans des proportions à peu près égales[2]. Pour quelles raisons les divorces avaient-ils diminué, pendant une période bien courte, il est vrai ? On pouvait invoquer une partie de celles qui, plus haut, nous ont expliqué la diminution passagère du crime à ce même moment. Mais il y en avait une autre : c’était la diminution accidentelle qui s’était produite dans le nombre des mariages célébrés antérieurement et qui avaient dû arriver alors à la période reconnue comme la période critique, autrement dit à celle où, — d’après les faits, — les causes de dissolution l’emportent moins difficilement sur les causes de stabilité[3]. A moins de mariages devait correspondre moins de divorces, et c’est ce qui eut lieu. Mais les divorces ne tardèrent pas à reprendre : les suicides les suivirent, de même qu’ils avaient baissé presque aussitôt après que les divorces avaient diminué.

Tout ceci, encore une fois, avait été bien entrevu, et si les démonstrations que nous venons de résumer manquaient encore, on avait su en trouver d’autres. Des écrivains distingués

  1. M. Durckeim y insiste dans son livre sur le Suicide, Paris, Alcan, in-8.
  2. En 1898, il y avait en 8 100 divorces et 9 428 suicides. En 1900, il n’y avait plus que 7 157 divorces et 8 812 suicides. Mais en 1905, nous remontons à près de 12 000 divorces et à 9 400 suicides. Les divorces ont commencé à remonter en 1901, les suicides seulement en 1903.
  3. Voyez mon livre : la Corruption de nos institutions, Paris, Lecoffre, in-12. Huit années avant cette baisse subite et momentanée des divorces, il avait été célébré 30 000 mariages de moins.