Page:Revue des Deux Mondes - 1907 - tome 42.djvu/706

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

seront très mal acceptées ; car c’est souvent de celles de son entourage immédiat et de ses pareils et de ses soi-disant égaux qu’on est le plus terriblement jaloux. Il faut surtout considérer que le monde criminel est un monde intermédiaire ou plutôt sans place fixe, mais toujours renouvelé, toujours repeuplé par les déclassés de toutes les autres sphères. Là, s’agitent ceux qui ont voulu autre chose que ce qu’il leur était permis d’acquérir et qui, sortis de leurs cadres, se rencontrent, s’allient, se heurtent, se combattent selon les hasards du jour : adolescens qui ont voulu jouir trop tôt, vieillards qui ont voulu jouir trop tard, blasés et décadens qui ont voulu jouir autrement que le commun des hommes ; les uns s’excusant sur les disgrâces trop apparentes de la nature, les autres alléguant au contraire leurs attraits et la vigueur de leur tempérament ; ceux-ci n’ayant pas eu le courage de lutter, ceux-là ayant lutté avec une ardeur entêtée contre des obstacles qui les condamnaient d’avance à la défaite ; filles du peuple devenues courtisanes du grand monde, femmes du grand monde descendues au rang d’entretenues ; les unes et les autres se faisant les instigatrices de toutes sortes de délits ; ici, les bataillons de natures grossières et avilies, promptes à se laisser mener là où leur est promise une jouissance à leur portée ; là, les rusés, les fourbes et les calculateurs, qui servent de chefs à ces bandes ; le tout réuni, mêlé, agité dans les plus instables combinaisons, constitue dans l’atmosphère sociale le centre de dépression d’où partent les troubles qui l’altèrent le plus.

Avons-nous là toutes les données du problème ? Avons-nous du moins toutes celles qui s’imposent à l’attention dans le milieu où nous vivons ? Non. Il est des phénomènes liés si étroitement à ceux-là, que nous ne pouvons pas les négliger. On les prend même souvent pour des causes dont on se contente : or, ils sont bien causes en effet, quoique à leur tour ils demandent à être expliqués. Mais pour aller peu à peu aux causes les plus profondes et qu’on peut appeler métaphysiques, il faut remonter de faits positifs en faits positifs. Si ce n’est pas la seule méthode qui puisse nous tenter, c’est la plus sûre.

Il est donc deux ou trois faits avec lesquels on s’efforce de tout expliquer. D’un côté, c’est l’insuffisance de la gendarmerie et de la police, comme si cette insuffisance, avant d’être une cause, n’avait pas commencé par être un effet ! Comme si les agens de la répression ne se trouvaient pas être trop rares,