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renseigné, comme il l’est, par plus de documens administratifs ou policiers qu’il ne lui est loisible d’en imprimer. « Comparés, dit-il, à ceux de 1901, les résultats de 1905 accusent dans leur ensemble une augmentation très forte des crimes qui prennent naissance dans les cabarets, dans les lieux de plaisir et qui ont pour causes la débauche et l’alcoolisme. » Oui, les colères des fanatiques raisonneurs sont calmées, la cupidité est moins aiguillonnée par la privation, et celle qui sévit apparaît beaucoup plus comme une cupidité de bien-être grandissant, comme une cupidité de gourmandise et de luxe, comme une cupidité de plaisir quand même. Ici nous rejoignons l’immoralité, d’où si facilement naît le mépris de soi et des autres. Nous arrivons à ces exploits d’apaches mâles et femelles qui troublent tant Paris, à ces tueries sans motifs, à ces espèces de chasse à l’homme où nous voyons des gamins de seize ou dix-sept ans, tous armés de revolvers, faire entre eux, — et tenir, — le pari de « descendre » le premier passant au coin de la rue.

Mais si nous voulons avoir une idée plus complète du caractère de cette violence, revenons une fois encore au suicide. On en a vu la courbe funèbre ; mais, pour le suicide comme pour le crime proprement dit, la variation des caractères n’a pas moins d’intérêt que les variations de la quantité. Or, d’après les enquêtes dont la Chancellerie peut résumer les résultats[1], les suicides par misère, — et ceci est à rapprocher de ce que nous apprenait l’étude du délit, — ont diminué. Par les mêmes méthodes de recherche, avec les mêmes moyens d’investigation, on en signalait 930 au début de la dernière période quinquennale ; on n’en relève plus que 836 en 1904. Les morts volontaires par suite de pertes d’argent, par désir d’éviter des poursuites judiciaires et de se soustraire aux conséquences déshonorantes de certaines affaires trop aventurées, sont devenues également moins nombreuses[2]. En 1884, on en comptait 202 : en 1904, on n’en constate plus que 106, tout cela bien que l’ensemble des suicides se chiffre par un accroissement de 1 200. Faut-il croire que le mot de déshonneur n’a plus de sens et que les pertes d’argent se réparent désormais avec plus de facilité ? Si cette facilité tient

  1. Ils ne sont point donnés au hasard ; chaque fois qu’un suicide est signalé, il faut savoir s’il n’y a pas eu crime, et alors les recherches sont sérieuses.
  2. Ce compte est distinct de celui des suicides qui suivent immédiatement un assassinat, un meurtre…