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changement brusque de milieu, des rassemblemens, de l’excitation mutuelle, des rencontres de toutes natures faites au cabaret ou ailleurs. On me disait dernièrement à Reims que rarement les vendanges se terminaient sans que des arrestations eussent réservé une ou deux affaires pour la session attendue de la Cour d’assises. Presque en même temps on me lisait à la chancellerie un fragment de rapport[1] émané du parquet d’Épernay. Une diminution accidentelle du délit était signalée dans l’arrondissement : on l’attribuait à ce que « la récolte ayant été mauvaise, il était venu moins de journaliers étrangers. » Or, à cette occasion des vendanges s’en sont ajoutées d’autres, comme celles des battages, de l’arrachage des betteraves, sans compter les travaux publics, les constructions de l’Etat, les agrandissemens des villes. Tous ces appels mettent en mouvement trois catégories d’individus. Viennent d’abord les travailleurs sérieux qui se hâtent d’arriver par les voies les plus courtes, prennent les bons emplois et les gardent le plus longtemps possible. Paraissent ensuite les travailleurs plus inégaux, plus mobiles, qui aiment surtout changer d’occupations et de séjour, et qui recherchent les épisodes, les digressions, les intermittences. Paraissent enfin et disparaissent les faux ouvriers voyant uniquement dans le travail qui leur était offert, et pour lequel ils arrivent toujours trop tard, un prétexte à déplacemens indéfinis, avec billets à prix réduits, secours de route, logemens dans les asiles, passages plus ou moins tumultueux aux Bourses du travail : à peine ici ou là quelques journées bien choisies chez les patrons signalés pour leur complaisance et pour les menus plantureux dont on leur a fait prendre l’habitude.

Quant à la mendicité, combien de fois ne se rapproche-t-elle pas de l’escroquerie par tous les moyens qu’elle met en avant ! Ici encore, le délit devient plus savant et il réussit davantage à se déguiser sous des dehors variés. Certes, on a toujours connu les faux pauvres et les riches mendians et les abus dont une charité mal organisée donnait la tentation ; mais la charité contemporaine a beau se perfectionner, elle a surtout multiplié ses formes pour se mettre à la portée de nouveaux besoins. Malgré les lumières que lui apporte une admirable institution, elle n’a point encore échappé à ce double inconvénient : laisser de côté

  1. Le département de la Marne ne compte pas, il s’en faut, parmi les meilleurs.