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des gens qui débutent par le vol ; mais les plus habiles ont vite fait de profiter de ces premiers « bénéfices, » pour en faire le point de départ d’opérations plus lucratives : quêtes sous un faux nom et avec de faux papiers, annonces mensongères, trafic de fausses traites, associations pour entôlage… ; pour expliquer toutes ces combinaisons il faudrait des volumes. Ces volumes d’ailleurs ont été faits. Il n’est guère d’ancien chef de la Sûreté qui n’ait tenu à servir au public des révélations nouvelles. Toutes les inventions de la science et de l’industrie contemporaines sont étudiées par les malfaiteurs qui n’en usent pas moins que les honnêtes gens. Ils ont exploité les télégraphes : ils ont exploité les téléphones, ils ont exploité les bicyclettes, ils exploitent maintenant les automobiles. Lombroso en a tout récemment donné des exemples piquans : on y voit toute une gamme de roueries, où la combinaison du téléphone et du véhicule permet de paraître et de disparaître, de faire croire à des ressources, à des titres, à des garanties imaginaires, et de les faire servir aussi bien à l’enlèvement d’objets très précieux qu’à la simple filouterie d’un bon déjeuner. Toutes ces adaptations savantes sont étudiées dans les bandes et dans les prisons communes, où ces bandes se préparent, se reforment, se complètent, arrêtent leurs opérations, de même qu’une armée dispersée se refait dans ses quartiers d’hiver.

La propriété et surtout la propriété rurale ne connaissent pas seulement le vol par fausses réclames et offres menteuses, elles craignent beaucoup la mendicité et le vagabondage. On a vu plus haut les oscillations apparentes de ces deux genres de délit : augmentation considérable au cours du XIXe siècle ; vers la fin de ce même siècle, diminution factice due à l’atténuation de la répression, puis, au commencement du XXe siècle, hausse nouvelle. D’autre part, il est bien connu dans nos campagnes que les vagabonds et les mendians ont revêtu des aspects plus modernes : beaucoup ont trouvé des encouragemens et aussi des excuses et des moyens de dissimulation dans certaines habitudes nouvelles de l’agriculture. Les statistiques de la population se voient obligées d’ouvrir depuis quelques années un compte spécial aux ouvriers agricoles intermittens et nomades : ils dépassent en ce moment cinq cent mille. Jadis, on avait bien les ouvriers qui venaient à la ville pour les vendanges, et ces déplacemens étaient presque toujours signalés par des délits nés du