le capital indéfiniment renouvelé des déposans, et quelques-uns gémissaient sur le sort de celui qui, même sous les verrous, demeurait leur « homme de confiance. » Il s’en trouva même un qui, questionné par le président des assises, demanda l’acquittement de l’accusé pour qu’il pût « se réhabiliter. » Ainsi, dans une affaire célèbre de Paris, on a vu des gens dépouillés par Jacques Meyer signer une demande de mise en liberté, afin que le condamné pût recommencer à leur servir, — pour combien "de temps ? — des intérêts à 15 p. 100. Eux non plus ne voulaient pas comprendre, — ou s’avouer, — que pour payer, aujourd’hui[1], de pareils intérêts, il faut les prendre dans la poche de quelqu’un ou sur le capital de celui-là même qui se réjouit d’avoir si bien placé son argent.
En deux mots, l’accroissement des plaintes en abus de confiance ou escroquerie vient de ce que des délits plus savans, plus distingués, plus fructueux, plus assurés d’une longue et quelquefois définitive impunité, prennent de plus en plus la place du vol proprement dit.
L’augmentation totale est donc indéniable, indéniable pour les crimes jugés, indéniable et plus regrettable encore pour les crimes qu’on doit laisser impunis, et il est hors de doute que la diminution signalée dans la période de 1893 et des quatre années qui ont suivi n’a été qu’une halte bien courte.
Nous venons de toucher là à l’une des données les plus intéressantes du problème criminel. Il ne s’agit plus de l’augmentation, mais de la transformation de la criminalité. Cette transformation vient de nous apparaître clairement dans la nature des infractions dirigées contre les propriétés.
Incontestablement le vol simple a baissé. Moins qu’il ne le semble au premier abord, car, à côté de la diminution des vols jugés, il faut bien placer l’augmentation considérable des vols dont les auteurs restent inconnus. Tout compensé, il peut bien rester une baisse réelle de 2 ou 3 000[2]. Il y a donc toujours
- ↑ Sans invention utile, sans organisation industrielle.
- ↑ Et encore faudrait-il tenir compte de ceux qui, au rebours de ce que prétendent certains criminalistes, ne donnent lieu qu’à une réclamation civile. Ainsi les disparitions de colis postaux ou les arrivages de colis postaux incomplets ne donnent lieu généralement qu’à leur remboursement vite obtenu de la Compagnie.