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LA
BEAUTÉ DES MACHINES
Á PROPOS DU SALON DE L'AUTOMOBILE

Cet automne, une féerie nouvelle a paru sur les bords de la Seine. Un joyau radieux a été posé sur le voile noir des nuits parisiennes et il brillait d’un tel éclat que, si l’on se fût trouvé dans une autre saison, les plantes trompées eussent poussé plus vite et les oiseaux chanté le retour du soleil. Les foules, qui ont des instincts de papillon, se jetaient vers cette lumière, avec une densité de criquets en migration. A l’heure où le jour vient de s’éteindre, on regardait se lever, vers l’ouest, cette aurore d’artifice et on avait le vague sentiment d’un mystère nouveau près de s’accomplir. De loin, dans le brouillard, il semblait que le rayon tombé du haut de la tour Eiffel, elle-même invisible, fécondât les Champs-Elysées, comme une semence de lumière et y fît jaillir, peu à peu, toute une cité de feu. Il y a, dans les contes de fées, des histoires de jeunes filles tiraillées entre des puissances perverses et bénévoles, qui, vilaines à faire peur tout le jour, deviennent la nuit des beautés, parées de gemmes éblouissantes. C’est justement l’histoire de notre Paris moderne et de ses architectures. Pendant le jour, le Grand Palais et ses groupes de statues désespérées, le pont Alexandre et ses superfluités ornementales ne gagnent rien assurément aux poteaux sans noblesse et aux pylônes sans dignité qui annoncent par leur aspect lamentable de figurans de théâtre, chargés de bijoux faux, chacune de nos réjouissances publiques. Et la porte d’or