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femme dont la charge consiste à approvisionner d’eau la cuisine. Le tireur de panka nie suivrait en tant que porte-arquebuse, un élève-portier serait promu aux fonctions de porte-carnier, et Cheick Iman tiendrait la troupe sous son autorité immédiate. D’ailleurs, Soupou, en personne, accompagnait l’expédition.

« Voici bien des années, monsieur, que j’ai formé, avec mon père, — c’est vous dire que cela ne date pas d’hier, mais bien de ces années qui précédèrent celle où vous vîntes à Pondichéry pour la première fois, — que j’ai formé, dis-je, le projet de visiter Genji. J’en voulais admirer les monumens et les curiosités qui sont sans nombre. Les obligations de ma carrière, tant que je fus fonctionnaire, m’en ont toujours empêché ; puis, ce furent mes affaires. Jamais je ne trouvais l’occasion. Aujourd’hui, cette occasion se présente, et telle que je ne la retrouverai jamais. Un brahme de mes amis, qui habite Villapouram, se joindra à nous. Il connaît toutes les légendes du lieu…

— Moi aussi, mon cher Soupou, soyez-en convaincu. Point n’est besoin du brahme. Vous voyez sous ma main le dossier où sont réunies toutes les pièces. Rien de ce qui touche à l’histoire de Genji ne nous demeure étranger. J’ai fait traduire la légende du Naïr dont le cheval volait dans les airs, celle aussi du saint Richi qui, avec son corps d’or massif, repose au fond du Tchokra Koulam, depuis que le pénitent de Vichnou lui coupa un bras, bras qui repoussa de lui-même. Je puis vous montrer le plan de la forteresse donné jadis par M. Orme, et que le service des Ponts et Chaussées a fait calquer, ce qui m’a coûté fort cher. Je vous dirai encore…

— Sans doute, monsieur, sans doute !… Mais il y a les traditions verbales…

— Elles sont modernes, Soupou, n’en doutez pas, et beaucoup datent d’hier. Toutefois, je verrai votre brahme avec plaisir, et votre compagnie me sera tellement précieuse que je vous somme d’engager votre parole. Jurez, Soupou, sur cette déesse Parvati portant le Dieu Ganésa, jurez que vous viendrez avec moi. »

Soupou jura par les choses les plus saintes de l’Inde, par la montagne de Tirnamallé, par le sanctuaire de Gonjevaram, que sais-je encore ? Le 25 août, au matin, il était à mes côtés, lorsque je débattais, dans la gare, avec les douaniers anglais, le prix que je devais payer pour pénétrer, avec armes et bagages, sur le territoire britannique. Soupou mit tout son personnel, — je