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grand profit de ses beaux ouvrages, malgré leur réputation européenne. Il est pénible de constater que le meilleur livre d’histoire ou le plus-parfait livre d’art rapporte à son auteur moins que ne lui aurait donné un roman banal. Ses ressources eussent donc été précaires, si l’un de ses anciens élèves, devenu son ami dévoué, le comte Louis Wodzicki, ancien ministre et gouverneur de la Länder Bank, ne l’avait fait nommer membre du Conseil d’administration, ce qui mit son existence simple à l’abri du besoin.

Désintéressé pour lui-même au-delà de toute expression, et ne demandant à ses rudes labeurs qu’une rétribution modeste, il lit toujours preuve d’une honnêteté de vie, d’une délicatesse et d’une conscience parfaites. Entouré de quelques amis fidèles, Klaczko supporta courageusement les huit dernières années de sa vie, huit longues années de véritable martyre. Celui qui pensait encore si vivement, dont le regard suppléait à la parole vacillante, et qui aurait voulu donner une suite à son Jules II, ne pouvait se faire comprendre assez pour être aidé et suppléé dans le travail rêvé ! L’écriture, la dictée même pour lui étaient devenues choses impossibles. Une suprême attaque d’apoplexie le foudroya le 27 novembre 1906. Elevé, dès l’enfance, dans la religion catholique, il était devenu, comme la plupart de ses coreligionnaires de Pologne, un chrétien ardent et convaincu.

Après la guerre de 1870, il était entré à Rome en relations intimes avec le cardinal Rampolla et plusieurs membres du Sacré-Collège. Il témoigna au grand pape Léon XIII, dont il louait les majestueuses et sages encycliques, une vénération et une affection profondes. « Lorsque la maladie, — m’écrit Mme de Basily-Callimaki, une de ses amies les plus dévouées, qui a bien voulu me donner sur Klaczko les détails les plus sûrs et les plus intéressans, — l’immobilisa durant huit longues années dans son petit appartement à Cracovie, dans la Smolenska, il obtint la permission de faire dire, le vendredi et le dimanche de chaque semaine, la messe dans son salon. Un autel, paré de tapis d’Orient et de quelques ornemens pieux, sévères et sans faste, était élevé à l’extrémité. Klaczko avait pour directeur et ami le P. Pawlick, un pieux et très savant ecclésiastique polonais, qui lui prodiguait ses conseils et ses consolations. Il est mort dans des sentimens très religieux. »

Cette mort, survenue après des souffrances qui semblaient