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pour la Saxe le seul obstacle à l’entente avec la Prusse, sous prétexte qu’il avait poussé à la guerre. Il se vit donc forcé de donner sa démission de ministre du roi Jean le 15 août 1866 ; mais quatre semaines après les préliminaires de Nikolsbourg, il apprit que François-Joseph lui confiait le ministère des Affaires étrangères. Il accepta, avec le consentement de son ancien maître, tout en stipulant que son consentement demeurerait secret jusqu’à la conclusion de la paix, afin de ne pas nuire à la Saxe, sa patrie. Les compromis avec la Hongrie, les pourparlers de Salzbourg avec Napoléon III, le couronnement de l’empereur d’Autriche roi de Hongrie, les traités de commerce, les affaires de Galicie, l’insurrection crétoise, le voyage de François-Joseph en Orient et les affaires ecclésiastiques furent, de 1866 à 1869, les principales questions qui occupèrent M. de Beust. Vinrent ensuite la crise ministérielle cisleithane, les projets d’alliance avec la France et l’Italie, leurs vicissitudes et leur avortement, puis les jours difficiles. On accusa bientôt à Berlin M. de Beust de préparer une guerre nouvelle et la Norddeutsche Zeitung s’acharna contre lui, avec cette obstination et cette subtilité dont elle a donné tant d’exemples, ajoutant à ses accusations le prétendu désaccord de l’Autriche avec les puissances occidentales dans la question d’Orient. M. de Bismarck attisait le feu. « Je n’ai jamais fait de mal personnellement au comte de Bismarck, écrivait M. de Beust au roi Jean. Lui, il m’en a fait en plusieurs occasions et sans grande noblesse. Je n’en apporterai jamais le souvenir dans la politique. » Si la Prusse en voulait tant à M. de Beust, c’est que l’Autriche commençait à se montrer plus forte qu’on ne le supposait ; c’est qu’elle avait enfin l’œil ouvert sur tout ce qui l’entourait ; c’est qu’elle était parvenue à rallier la Hongrie à l’Empire et à rendre quelque peu impraticables les routes de Berlin à Paris. Le ministre autrichien ne désirait pas la guerre. Il voulait même l’empêcher, mais veiller aussi à ce que la paix ne se fit jamais par-dessus la tête de l’Autriche-Hongrie et contre elle.

Lors de la présentation du Livre rouge aux Délégations en juillet 1869, il s’était ainsi exprimé au sujet de la France : « Nous sommes en relations très bonnes, très amicales avec le gouvernement français, et pourquoi n’en serait-il pas ainsi ? Dans le cours de ces dernières années, la France nous a donné des preuves répétées de sa sincère sympathie. Elle nous a secondés