Empire sur les bords de la Méditerranée ; mais les Grecs, les Bulgares, les Serbes, les Arméniens, les Arabes n’ont pas abandonné leurs idiomes nationaux pour parler turc. Les Polonais non plus ne témoignent pas le moindre désir de se servir du russe ou de l’allemand dans leur vie de famille.
L’exemple du toscan nous montre, d’autre part, qu’un parler régional peut devenir langue nationale sans aucune intervention des facteurs politiques. Cet exemple est loin d’être unique. Citons-en un autre. Un dialecte du moyen-haut-allemand (mittelhochdeutsch) est devenu la langue littéraire de l’Allemagne sans que la Saxe ait été le centre du groupement politique de la nation. Je ferai remarquer, de plus, que la latinisation de la Gaule a continué après la chute de l’Empire romain, en sorte qu’elle aussi n’a pas été conditionnée par des facteurs politiques. En Grèce et en Asie, au contraire, la langue d’Horace et de Virgile n’a fait aucun progrès, même à l’époque de la domination de Rome. L’hellénisation de l’Orient a continué sous le sceptre des Césars comme elle s’opérait au temps de l’indépendance d’Athènes et de Sparte. Ce n’est donc pas seulement parce que Paris est devenu le siège de la dynastie capétienne, comme on le croit à tort, que le dialecte francien s’est étendu sur toute la Gaule. Le phénomène politique a pu contribuer à son extension, mais elle ne se serait jamais accomplie d’une façon définitive sans Corneille, Racine, Voltaire et tant d’autres écrivains illustres. Les phénomènes politiques et intellectuels se sont combinés en France et se sont soutenus mutuellement : cela n’empêche pas que le rôle principal n’appartienne au fait psychique, car le fait psychique peut agir sans le fait politique, — comme en Italie et en Allemagne, — mais le fait politique ne peut pas agir sans le fait psychique, — comme le prouvent l’Autriche et la Turquie.
Examinons maintenant quelles sont les conditions les plus propices pour qu’un dialecte devienne langue auxiliaire. En me livrant à des considérations générales sur ce sujet, j’ai toujours en vue la Toscane, à laquelle elles s’appliquent complètement.
En premier lieu, la situation géographique joue un certain rôle. Le pays d’où rayonne une langue doit être placé dans une position plus ou moins centrale par rapport aux dialectes sur lesquels elle exerce son action. Tel est le cas de la Toscane par rapport à l’Italie, et de la France par rapport à l’Europe. Par suite de cette position centrale, un très grand nombre d’hommes sont