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En admettant même que l’Aryen ait jamais existé, ce qui n’est pas, on fait une affirmation, complètement arbitraire, lorsqu’on identifie l’Aryen avec le Germain. En Allemagne, ainsi que dans les pays voisins, il y a des crânes de toutes les formes. La race française ne peut pas être considérée comme inférieure à la race allemande, sous prétexte que les Allemands sont des Aryens et que les Français ne le sont pas : les Allemands sont une race mêlée, comme les Français.

Concluons de ce qui précède que les Français n’ont aucune raison de se désespérer. Toutes les théories pseudo-scientifiques à l’aide desquelles on prétend démontrer leur infériorité et leur dégénérescence ne soutiennent pas l’examen. Quand donc on affirme que la langue française a le plus de chances de devenir l’idiome international du groupe de civilisation européen, les Français ont tort de repousser cette proposition a priori, sous prétexte qu’ils sont une nation en décadence. Ils feraient mieux d’examiner sans parti pris les argumens présentés en sa faveur.


II. — VANITÉ DES LANGUES ARTIFICIELLES

Il importe toutefois d’écarter une objection préalable.

Plus les relations se font intimes entre les sociétés civilisées, plus le besoin d’une langue internationale devient impérieux. Partant de l’idée que les amours-propres nationaux s’opposeront à l’adoption d’un idiome naturel pour remplir cette fonction, on croit résoudre la question en créant un idiome artificiel. De nombreuses tentatives ont été faites dans ce sens depuis Descartes et Leibnitz, mais elles se sont particulièrement multipliées de nos jours.

Cette idée a priori que les amours-propres nationaux s’opposeront à l’adoption d’une langue parlée me rappelle un fait analogue dans un autre domaine. Il y a juste cent ans, les ingénieurs s’étaient mis en tête l’idée a priori que les roues d’une locomotive ne pourraient pas avoir de prise suffisante sur des rails en fer et tourneraient sur place sans entraîner de progression. Cette opinion préconçue a arrêté le développement des chemins de fer pendant un certain nombre d’années. En 1813, un ingénieur appelé Blacket, se décida à faire une expérience. Il constata aussitôt que le poids de la locomotive suffisait pour