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ceux de leur oncle. Richard n’y songea pas un moment et, si nous en croyons la version accréditée par les Tudors et adoptée par Shakspeare, il aurait fait mettre en avant par ses partisans un autre cas d’illégitimité qui entachait de bâtardise la naissance d’Edouard IV et de son frère George, au détriment de l’honneur de la duchesse d’York.

J’ignore quelle était la jurisprudence à cet égard dans l’Angleterre de 1483 et si le vieil axiome du droit latin : Pater is est quem nuptiæ demonstrant y avait force de loi. Ce que je sais, c’est que la question n’ayant jamais été soulevée auparavant, aucun moyen ne subsistait, après quarante années, d’établir la faute de la duchesse, excepté la confession de la coupable. Or, cette confession n’eut point lieu et, tout au contraire, il semble que Richard fût dans les meilleurs termes avec sa mère, car il choisit Baynard’s Castle, résidence de la duchesse d’York à Londres, comme le quartier général de ses intrigues. Cette histoire m’est donc suspecte, et je crois devoir la reléguer parmi les fables intéressées dont les Tudors se sont plu à noircir leur ennemi tombé. Une de ces fables est celle qui met la reine Anne parmi ses victimes. Elle était d’une santé très chancelante, et la mort du petit prince de Galles, son unique enfant, lui porta un coup fatal. Que, même avant cette mort, Richard, désireux d’avoir un héritier, ait pensé à une autre union et qu’il ait jeté les yeux sur sa nièce Elisabeth, cela est possible. Il est clair, si la lettre citée par sir Cléments Markham est authentique, que la jeune fille encourageait de son mieux ce projet. On dit qu’elle parut un soir à la Cour, portant exactement le même costume que la Reine. Ceci avait lieu, qu’on le remarque, alors que toute l’Angleterre racontait tout bas, en frémissant d’horreur, que les deux frères de la princesse avaient été assassinés par ordre du Roi.


IV

J’arrive à ce crime, le plus grand de tous ceux qui pèsent sur sa mémoire. Au point de vue chronologique, la date en est incertaine ; au point de vue de la psychologie criminelle, il est la clé de tout le problème que nous discutons. Si Richard était capable de ce lâche attentat, tout ce qu’on peut dire en sa faveur est dit en vain, et il redevient l’auteur possible, sinon probable,