neveux. Car, avant d’épouser leur mère, lady Grey, Edouard était déjà uni à une lady Lucy. De plus, Edouard IV lui-même, ainsi que Clarence, étaient nés d’une intrigue adultère de la duchesse d’York, pendant que le duc guerroyait en France. En sorte que Richard, duc de Gloucester, est le seul représentant légitime de sa maison et le seul héritier des droits de son père à la couronne. Cette ignoble accusation contre l’honneur de sa mère, il ne la formule pas lui-même publiquement, mais il la fait insinuer aux bourgeois de Londres par son complice, le duc de Buckingham qui, bientôt, paiera de sa tête l’imprudence d’avoir réclamé la récompense promise pour avoir aidé à tant de forfaits. Les ennemis de Richard sont morts ou en fuite. Qui oserait maintenant lui tenir tête ? Cependant, tant que vivront les enfans d’Edouard, il ne se sentira pas vraiment assuré sur son trône. Leur mort est donc décidée. Nous n’y assistons pas, mais l’événement nous est raconté par le principal assassin dont la confession in extremis est ainsi anticipée de plus de quinze ans. Il ne reste plus à Richard qu’à se débarrasser de sa femme, la malheureuse Anne Nevil, en vue d’épouser sa nièce Elisabeth, et Shakspeare laisse dans le doute si ce projet d’union est né d’une pensée dynastique ou de je ne sais quel monstrueux désir de posséder la sœur de ses victimes et de vaincre encore une fois par l’amour l’horreur qu’il a conscience d’inspirer. Il y a là comme un érotisme cruel, un régal sadique qu’il est capable de savourer. Toutes les formes du mal se donnent rendez-vous dans une âme de monstre.
Je ne crois avoir omis aucun des crimes de Richard ; nous les voyons défiler devant ses yeux épouvantés, sous la forme de tous ceux qu’il a privés de la vie. Ils lui jettent leur malédiction : « Désespère et meurs ! » Puis, ils se tournent vers la tente où dort Richmond pour lui adresser un mot d’encouragement et de promesse. J’avoue que les fantômes cessent de m’effrayer lorsqu’ils marchent en groupe et parlent trop. Aussi cette apparition en partie double me semble-t-elle une des choses les plus faibles de ce drame ; mais elle peut du moins nous servir à établir le dossier criminel de Richard.
Tandis qu’il accumule sur lui tant d’affreuses responsabilités, Shakspeare idéalise, par un procédé inverse, que l’art approuve, mais que l’histoire réprouve, toutes les autres figures du même temps, qui sont les personnages de son drame. Henry VI, pieux